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y a même des tribus où il est défendu de chasser pour son compte l’animal dont on porte le nom et où pourtant il est permis de le tuer pour le compte d’autrui[1]. Mais en général, la manière dont l’acte est accompli indique bien qu’il y a quelque chose d’illicite. On s’en excuse, comme d’une faute ; on témoigne du chagrin que l’on ressent, de la répugnance que l’on éprouve[2], et on prend les précautions nécessaires pour que l’animal souffre le moins possible[3].

Outre les interdictions fondamentales, on cite quelques cas de prohibition de contact entre l’homme et son totem. Ainsi, chez les Omaha, dans le clan de l’Élan, nul ne peut toucher une partie quelconque du corps de l’élan mâle ; dans un sous-clan du Buffle, il n’est pas permis de toucher à la tête de cet animal[4]. Chez les Bechuana, nul n’oserait se vêtir de la peau de l’animal qu’il a pour totem[5]. Mais ces cas sont rares ; et il est naturel qu’ils soient exceptionnels puisque, normalement, l’homme doit porter sur lui l’image de son totem ou quelque chose qui le rappelle. Le tatouage et les costumes totémiques seraient impraticables si tout contact était interdit. On remarquera, d’ailleurs, que cette défense ne s’observe pas en Australie, mais seulement dans des sociétés où le totémisme est déjà bien éloigné de sa forme originelle ; elle est donc vraisemblablement d’origine tardive et due peut-être à l’influence d’idées qui n’ont rien de proprement totémique[6].

  1. Chez les Kaitish, les Unmatjera (North. Tr., p. 160). Il arrive même que, dans certains cas, un ancien donne à un jeune homme d’un totem différent un de ses churinga pour permettre au jeune chasseur de tuer plus facilement l’animal qui sert de totem au donateur (ibid., p. 272).
  2. Howitt, Nat. Tr., p.146 ; Grey, op. cit., II, p. 228 ; Casalis, Basoutos, p. 221. Chez ces derniers, « il faut se purifier après avoir commis un tel sacrilège ».
  3. Howitt, II p. 58, 59, 61.
  4. Dorsey, Omaha Sociology, IIIrd Rep., p. 225, 231.
  5. Casalis, ibid.
  6. Même chez les Omaha, il n’est pas sûr que les interdictions de