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devant elle dans l’attitude de la plus pure dévotion[1]. À condition de donner au mot un sens approprié à la mentalité du primitif, on peut dire qu’ils l’adorent. Voilà ce qui permet de comprendre comment le blason totémique est resté, pour les Indiens de l’Amérique du Nord, une chose très précieuse : il est toujours entouré d’une sorte d’auréole religieuse.

Mais pour comprendre d’où vient que les représentations totémiques sont aussi sacrées, il n’est pas sans intérêt de savoir en quoi elles consistent.

Chez les Indiens de l’Amérique du Nord, ce sont des images, peintes, gravées ou sculptées, qui s’efforcent de reproduire, aussi fidèlement que possible, l’aspect extérieur de l’animal totémique. Les procédés employés sont ceux dont nous nous servons encore aujourd’hui dans des cas similaires, sauf qu’ils sont, en général, plus grossiers. Mais il n’en est pas de même en Australie et c’est naturellement dans les sociétés australiennes qu’il faut aller chercher l’origine de ces figurations. Bien que l’Australien puisse se montrer assez capable d’imiter, au moins d’une manière rudimentaire, les formes des choses[2], les décorations sacrées semblent, le plus souvent, étrangères à toute préoccupation de ce genre : elles consistent essentiellement en dessins géométriques exécutés soit sur les churinga, soit sur le corps des hommes. Ce sont des lignes, droites ou courbes, peintes de manières différentes[3] et dont l’assemblage n’a et ne peut avoir qu’un sens conventionnel. Le rapport entre la figure et la chose figurée est tellement

  1. Nat. Tr., p. 181.
  2. V. des exemples dans Spencer et Gillen, Nat. Tr., fig. 131. On y verra des dessins dont plusieurs ont évidemment pour objet de représenter des animaux, des plantes, des têtes d’homme, etc., très schématiquement bien entendu.
  3. Nat. Tr., p. 617 ; North Tr., p. 716 et suiv.