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Mais si les tatouages qui sont réalisés par voie de mutilations ou de scarifications n’ont pas toujours une signification totémique[1], il en est autrement des simples dessins effectués sur le corps : ils sont, le plus généralement, représentatifs du totem. L’indigène, il est vrai, ne les porte pas d’une manière quotidienne. Quand il se livre à des occupations purement économiques, quand les petits groupes familiaux se dispersent pour chasser et pour pêcher, il ne s’embarrasse pas de ce costume qui ne laisse pas d’être compliqué. Mais, quand les clans se réunissent pour vivre d’une vie commune et vaquer ensemble aux cérémonies religieuses, il s’en pare obligatoirement. Chacune de ces cérémonies, comme nous le verrons, concerne un totem particulier et, en principe, les rites qui se rapportent à un totem ne peuvent être accomplis que par des gens de ce totem. Or, ceux qui opèrent[2], qui jouent le rôle d’officiants, et même parfois ceux qui assistent comme spectateurs, portent toujours sur le corps des dessins qui figurent le totem[3]. Un des rites principaux de l’initiation, celui qui fait entrer le jeune homme dans la vie religieuse de la tribu, consiste précisément à lui peindre sur le corps le

  1. Il en est qui, suivant Spencer et Gillen, n’auraient aucun sens religieux (v. Nat. Tr., p. 41-42 ; North. Tr., p. 45, 54-56).
  2. Chez les Arunta, la règle comporte des exceptions qui seront expliquées plus loin.
  3. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 162 ; North. Tr., p. 179, 259, 292, 295-296 ; Schulze, loc. cit., p, 221. Ce qui est ainsi représenté, ce n’est pas toujours le totem lui-même, mais un des objets qui, associés à ce totem, sont considérés comme choses de la même famille.