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Chapitre IV

LE TOTÉMISME COMME RELIGION ÉLÉMENTAIRE
Historique de la question. — Méthode pour la traiter

Si opposés, à ce qu’il semble, dans leurs conclusions, les deux systèmes que nous venons d’étudier concordent cependant sur un point essentiel : ils se posent le problème dans des termes identiques. Tous deux, en effet, entreprennent de construire la notion du divin avec les sensations qu’éveillent en nous certains phénomènes naturels, soit physiques soit biologiques. Pour les animistes, c’est le rêve, pour les naturistes, ce sont certaines manifestations cosmiques qui auraient été le point de départ de l’évolution religieuse. Mais pour les uns et pour les autres, c’est dans la nature, soit de l’homme soit de l’univers, qu’il faudrait aller chercher le germe de la grande opposition qui sépare le profane du sacré.

Mais une telle entreprise est impossible : elle suppose une véritable création ex nihilo. Un fait de l’expérience commune ne peut nous donner l’idée d’une chose qui a pour caractéristique d’être en dehors du monde de l’expérience commune. L’homme, tel qu’il s’apparaît à lui-même dans ses songes, n’est pourtant qu’un homme. Les forces naturelles, telles que les perçoivent nos sens, ne sont que des forces naturelles, quelle que puisse être leur intensité. De là vient la commune critique que nous adressions à l’une et à l’autre doctrine. Pour expliquer comment ces prétendues données de la pensée religieuse ont pu prendre un