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« Ce n’est pas Fichte, Paul Pfïzer ou d’autres chercheurs qui ont fait l’Allemagne ; c’est Guillaume Ier, c’est Bismarck. Les grands penseurs de la politique ont leur gloire ; mais ils ne sont pas les véritables héros de l’histoire ; ce sont les hommes d’action. » Les fondateurs d’États ne sont pas des génies, au sens intellectuel du mot. L’empereur Guillaume n’avait rien de génial, mais c’était un homme de calme et de ferme volonté. C’est la force du caractère qui faisait sa force[1].

Mais si l’État se définit par la puissance, les États ne méritent d’être appelés ainsi que dans la mesure où ils sont réellement puissants. Les petits pays, ceux qui ne peuvent se défendre et se maintenir par leurs seules forces ne sont pas de véritables États, puisqu’ils n’existent que par la tolérance des grandes Puissances. Ils n’ont et ne peuvent avoir qu’une souveraineté nominale. C’est le cas notamment des États neutres, tels que la Belgique, la Hollande et la Suisse. Leur indépendance, en effet, n’est garantie que par des conventions internationales dont nous savons la fragilité. Que l’un des contractants en vienne à juger qu’elles ne sont plus en rapport avec la situation respective des Puissances, et il a le droit de se délier. Treitschke nous indique même, par une omission involontaire, qu’à ses yeux l’autonomie de la Belgique et de la Hollande ne répond plus à l’état présent de l’Europe ; car il dit de la Suisse, mais de la Suisse seule : « Aussi longtemps qu’il ne se produira pas de changement essentiel dans la société actuelle des États, la Suisse peut compter sur une longue existence[2]. » Le silence qu’il observe sur les deux autres États neutres est significatif. Il y a, d’ailleurs, d’autres passages où il dit expressément de la Hollande qu’elle doit normalement rentrer dans la « vieille patrie allemande », que ce retour est « hautement désirable[3] », que l’Allemagne « a besoin de la Hollande comme de son pain quotidien[4] ». Et quant à la Suisse elle-même,

  1. I, p. 34.
  2. I, p. 42.
  3. « Dass aber wenigstens Holland noch einmal zum alten Vaterland zurückkehrt ist… dringend zu wünschen » (I, p. 128).
  4. I, p. 218.