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sortes d’habitudes mentales qui dépassent la sphère de la vie purement religieuse. De même, au moyen âge, serfs, vilains, bourgeois et nobles recevaient également une même éducation chrétienne. S’il en est ainsi de sociétés où la diversité intellectuelle et morale atteint ce degré de contraste, à combien plus forte raison en est-il de même des peuples plus avancés où les classes, tout en restant distinctes, sont pourtant séparées par un abîme moins profond ! Là où ces éléments communs de toute éducation ne s’expriment pas sous forme de symboles religieux, ils ne laissent pas cependant d’exister. Au cours de notre histoire, il s’est constitué tout un ensemble d’idées sur la nature humaine, sur l’importance respective de nos différentes facultés, sur le droit et sur le devoir, sur la société, sur l’individu, sur le progrès, sur la science, sur l’art, etc., qui sont à la base même de notre esprit national ; toute éducation, celle du riche comme celle du pauvre, celle qui conduit aux carrières libérales comme celle qui prépare aux fonctions industrielles, a pour objet de les fixer dans les consciences.

Il résulte de ces faits que chaque société se fait un certain idéal de l’homme, de ce qu’il doit être tant au point de vue intellectuel que physique et moral ; que cet idéal est, dans une certaine mesure, le même pour tous les citoyens ; qu’à partir d’un certain point il se différencie suivant les milieux particuliers que toute société comprend dans son