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pas dans des conditions de vie normale. Il y a donc, à chaque moment du temps, un type régulateur d’éducation dont nous ne pouvons pas nous écarter sans nous heurter à de vives résistances qui contiennent les velléités de dissidences.

Or, les coutumes et les idées qui déterminent ce type, ce n’est pas nous, individuellement, qui les avons faites. Elles sont le produit de la vie en commun et elles en expriment les nécessités. Elles sont même, en majeure partie, l’œuvre des générations antérieures. Tout le passé de l’humanité a contribué à faire cet ensemble de maximes qui dirigent l’éducation d’aujourd’hui ; toute notre histoire y a laissé des traces et même l’histoire des peuples qui nous ont précédés. C’est ainsi que les organismes supérieurs portent en eux comme l’écho de toute l’évolution biologique dont ils sont l’aboutissement. Lorsqu’on étudie historiquement la manière dont se sont formés et développés les systèmes d’éducation, on s’aperçoit qu’ils dépendent de la religion, de l’organisation politique, du degré de développement des sciences, de l’état de l’industrie, etc. Si on les détache de toutes ces causes historiques, ils deviennent incompréhensibles. Comment, dès lors, l’individu peut-il prétendre à reconstruire, par le seul effort de sa réflexion privée, ce qui n’est pas une œuvre de la pensée individuelle ? Il n’est pas en face d’une table rase sur laquelle il peut édifier ce qu’il veut, mais de réalités existantes qu’il ne peut ni créer, ni détruire, ni transformer à volonté.