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et les temps. Ce que nous trouvions hier suffisant nous paraît aujourd’hui au-dessous de la dignité de l’homme, telle que nous la sentons présentement, et tout fait croire que nos exigences sur ce point iront en croissant.

Nous touchons ici au reproche général qu’encourent toutes ces définitions. Elles partent de ce postulat qu’il y a une éducation idéale, parfaite, qui vaut pour tous les hommes indistinctement ; et c’est cette éducation universelle et unique que le théoricien s’efforce de définir. Mais d’abord, si l’on considère l’histoire, on n’y trouve rien qui confirme une pareille hypothèse. L’éducation a infiniment varié selon les temps et selon les pays. Dans les cités grecques et latines, l’éducation dressait l’individu à se subordonner aveuglément à la collectivité, à devenir la chose de la société. Aujourd’hui, elle s’efforce d’en faire une personnalité autonome. À Athènes, on cherchait à former des esprits délicats, avisés, subtils, épris de mesure et d’harmonie, capables de goûter le beau et les joies de la pure spéculation ; à Rome, on voulait avant tout que les enfants devinssent des hommes d’action, passionnés pour la gloire militaire, indifférents à ce qui concerne les lettres et les arts. Au moyen âge, l’éducation était avant tout chrétienne ; à la Renaissance, elle prend un caractère plus laïc et plus littéraire ; aujourd’hui, la science tend à y prendre la place que l’art y occupait autrefois. — Dira-t-on que le fait n’est pas l’idéal ; que si l’éducation a varié,