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cité. Si notre éducation moderne n’est plus étroitement nationale, c’est dans la constitution des nations modernes qu’il faut en aller chercher la raison.

Ce n’est pas tout. Non seulement c’est la société qui a élevé le type humain à la dignité de modèle que l’éducateur doit s’efforcer de reproduire, mais c’est elle encore qui le construit et elle le construit suivant ses besoins. Car c’est une erreur de penser qu’il soit tout entier donné dans la constitution naturelle de l’homme, qu’il n’y ait qu’à l’y découvrir par une observation méthodique, sauf à l’embellir ensuite par l’imagination en portant par la pensée à leur plus haut développement tous les germes qui s’y trouvent. L’homme que l’éducation doit réaliser en nous, ce n’est pas l’homme tel que la nature l’a fait, mais tel que la société veut qu’il soit ; et elle le veut tel que le réclame son économie intérieure. Ce qui le prouve, c’est la manière dont notre conception de l’homme a varié suivant les sociétés. Car les anciens, eux aussi, croyaient faire de leurs enfants des hommes, tout comme nous. S’ils se refusaient à voir leur semblable dans l’étranger, c’est précisément parce qu’à leurs yeux l’éducation de la cité pouvait seule faire des êtres vraiment et proprement humains. Seulement ils concevaient l’humanité à leur manière qui n’est plus la nôtre. Tout changement un peu important dans l’organisation d’une société a pour contrecoup un changement de même importance dans l’idée que l’homme