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l’intensité nécessaire les facultés qu’implique spécialement notre fonction, sans laisser les autres s’engourdir dans l’inaction, sans abdiquer, par conséquent, toute une partie de notre nature. Par exemple, l’homme, en tant qu’individu, n’est pas moins fait pour agir que pour penser. Même, puisqu’il est avant tout un être vivant et que la vie c’est l’action, les facultés actives lui sont peut-être plus essentielles que les autres. Et cependant, à partir du moment où la vie intellectuelle des sociétés a atteint un certain degré de développement, il y a et il doit nécessairement y avoir des hommes qui s’y consacrent exclusivement, qui ne fassent que penser. Or la pensée ne peut se développer qu’en se détachant du mouvement, qu’en se repliant sur elle-même, qu’en détournant de l’action le sujet qui s’y donne. Ainsi se forment ces natures incomplètes où toutes les énergies de l’activité se sont, pour ainsi dire, converties en réflexion, et qui, pourtant, quelque tronquées qu’elles soient par certains côtés, constituent les agents indispensables du progrès scientifique. Jamais l’analyse abstraite de la constitution humaine n’aurait permis de prévoir que l’homme était susceptible d’altérer ainsi ce qui passe pour être son essence, ni qu’une éducation était nécessaire qui préparât ces utiles altérations.

Cependant, quelle que soit l’importance de ces éducations spéciales, on ne saurait contester qu’elles ne sont pas toute l’éducation. Même on