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Mais mes adversaires m’avaient sommé sur l’honneur de ne prévenir aucun patriote.

Votre tâche est bien simple : prouver que je me suis battu malgré moi, c’est-à-dire après avoir épuisé tout moyen d’accommodement, et dire si je suis capable de mentir, de mentir même pour un si petit objet que celui dont il s’agissait.

Gardez mon souvenir puisque le sort ne m’a pas donné assez de vie pour que la patrie sache mon nom.

Je meurs votre ami

É. Galois.


Et au bas de cette dernière lettre, résumant sa propre destinée, telle qu’il la voyait alors clairement, ces mots : Nitens lux, horrenda procella, tenebris æternis involuta[1].

Le duel eut lieu le 30 au matin, de très bonne heure, près de l’étang de la Glacière, sur le territoire de Gentilly. La balle qui atteignit Galois avait, d’après l’autopsie, été tirée à vingt-cinq pas : elle entra dans le ventre par le côté droit, et traversa à plusieurs reprises l’intestin, pour venir se loger sous la fesse gauche. Le paysan qui releva le blessé l’amena à neuf heures et demie du matin a l’hôpital Cochin[2].

Galois s’était trop peu fait d’illusions la veille pour en conserver après sa blessure. Il vit la mort en face. Son jeune frère, seul de la famille, avait été prévenu : il accourut auprès de lui tout en larmes. Évariste essaya de l’apaiser par son stoïcisme. « Ne pleure pas, lui dit-il, j’ai besoin de tout mon courage pour mourir à vingt ans[3]. » En pleine connaissance, il refusa l’assistance d’un prêtre[4]. Vers le soir, la péritonite inévitable se déclara et l’emporta en douze heures : il rendit le dernier soupir le 31 mai à dix heures du matin[5].

La Tribune annonça son enterrement en ces termes : « Les obsèques de M. Évariste Galois, artilleur de la garde nationale parisienne, et

  1. Note de Flaugergues, dans le Magasin pittoresque.
  2. La Tribune. Registre d’entrées de l’hôpital Cochin. — La Note de Flaugergues, dans le Magasin pittoresque, dit qu’il fut relevé par un ancien officier. La version que je reproduis est celle que m’a communiquée M. G. Demante.
  3. Communiqué par M. G. Demante.
  4. Communiqué par M. l’abbé Demante.
  5. Registre de décès de l’hôpital Cochin.