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perdue dans le tumulte des sifflets, mais que ses voisins de table l’avaient bien entendue ; ceux-ci témoignèrent dans le même sens. Mais ce mensonge pesait à Galois et, le 15 juin, à l’audience de la cour d’assises, il finit par se rétracter publiquement, malgré le témoignage de ses amis et ses propres déclarations dans l’interrogatoire. La prévention adoptée contre lui était le délit de provocation, par des discours proférés dans un lieu et dans une réunion publics, à un attentat contre la vie et la personne du roi des Français, sans que ladite provocation ait été suivie d’effet. L’attitude de Galois pendant les débats du procès fut agressive et ironique. Dans ses réponses au président, il reconnut l’exactitude des faits qui lui étaient reprochés ; il vanta la commodité du couteau, dont il s’était servi avant son toast pour découper du poulet et du dindon ; il déclara que son toast était bien une provocation pour le cas où Louis-Philippe trahirait et sortirait de la légalité. « Tout, dit-il, nous engage à porter nos prévisions jusque-là. La marche actuelle du gouvernement peut faire supposer que Louis-Philippe est capable de trahir la nation, parce qu’il ne nous a pas donné assez de garanties de sa bonne foi pour ne pas nous faire craindre ce résultat. Tout ce que nous voyons nous rend sa loyauté suspecte ; son avènement au trône préparé depuis longtemps… » Il allait sans doute parler du serment de fidélité prêté par le duc d’Orléans à Charles X dans la cérémonie du sacre, lorsque son avocat l’interrompit et pria ironiquement le président de ne pas maintenir l’interrogatoire sur un terrain dangereux pour le roi.

L’audition des témoins n’aurait pas offert grand intérêt si Drouineau, celui-là même qui avait hautement protesté contre le toast, n’avait refusé de prêter serment et ne s’était fait infliger une amende. Il fut bien établi que Galois n’était pas, comme il l’avait écrit à Chevalier, privé de raison par les fumées du vin ; il n’y avait eu qu’une seule bouteille de vin devant chaque convive, et la plupart n’avaient pas été vidées ; de liqueur Galois n’en avait pas bu, par la bonne raison qu’on n’en avait pas servi. Quant au « s’il trahit », tous ses voisins de table déclarèrent qu’ils l’avaient entendu.

Le réquisitoire de l’avocat général porta surtout sur deux points : il voulut prouver que les Vendanges de Bourgogne étaient bien un lieu public ; il contesta que Galois eût mis aucune restriction à sa menace,