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caine[1], et c’est ce qui m’a fait supposer que Galois avait fait partie des Amis du peuple dès les vacances de 1830. En tout cas, c’est à côté d’eux qu’il se rangea aussitôt qu’il fut libre, et il appartint désormais à la fraction la plus agissante du parti républicain. Il était sans doute avec son bataillon dans la cour du Louvre, le jour où fut rendu le jugement des ministres, et où Cavaignac, Trélat, Guinard furent accusés d’avoir voulu livrer leurs canons au peuple ; il fut ensuite, lui-même s’en vanta en juin 1831[2], de toutes les émeutes qui secouèrent quotidiennement Paris pendant les six mois qui suivirent le procès des ministres.

Je ne pense pas que, dans ces conditions, le cours d’Algèbre supérieure, qu’il avait ouvert devant une quarantaine d’auditeurs, ait été bien régulier ni bien long. D’un autre côté, l’Académie des Sciences lui ménagea une déception nouvelle : M. Poisson rapporta au bout de quatre mois le Mémoire que Galois lui avait remis sur une question de la résolution générale des équations et le déclara incompréhensible[3]. Dès lors Galois se donna tout entier à la politique : suivant sa propre expression, son cœur se révolta contre sa tête. Avec la fougue de sa jeunesse et l’intransigeance habituelle de son caractère, il atteignit bien vite les extrêmes limites de l’exaltation. « S’il fallait un cadavre pour ameuter le peuple, disait-il, je donnerais le mien[4]. » Tel était son état d’esprit, lorsque, le 9 mai 1831, il assista au fameux banquet des Vendanges de Bourgogne et s’attira par un toast régicide sa première poursuite politique.

Après la dissolution de l’artillerie de la garde nationale, les officiers suspects d’avoir voulu livrer leurs canons au peuple avaient été poursuivis par le Gouvernement. Ce procès, connu sous le nom de procès des Dix-neuf, aboutit en cour d’assises à un acquittement. Un banquet fut donné pour le fêter dans un restaurant de Belleville, les Vendanges de Bourgogne, le 9 mai 1831 ; deux cents républicains environ y assistaient ; beaucoup avaient, pour protester contre la dissolution et la

  1. De la Hodde, Histoire des Sociétés secrètes.
  2. Procès du 15 juin (Gazette des Tribunaux).
  3. Revue encyclopédique. C’est le Mémoire publié en 1846 par Liouville.
  4. Communiqué par sa famille.