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technique ; les élèves ne s’y occupaient ni du Gouvernement, ni de leurs chefs, mais de la tradition de l’École, loi sacrée à laquelle tous se croyaient tenus d’obéir[1] ; elle venait, dès le premier jour, de les jeter aux barricades. Personne, à l’École préparatoire, n’eût osé sortir sans l’assentiment de M. Guigniault.

Lui-même, M. Guigniault, n’était pas homme à se jeter du premier coup dans une mêlée dont il ne pouvait pas encore prévoir l’issue. Non qu’il manquât de courage : il avait eu celui de ne pas démissionner en 1829, après la formation du ministère du 8 août ; il était resté à son poste pour sauver le plus longtemps possible l’École préparatoire des entreprises de la Congrégation ; mais les révolutions violentes n’étaient pas du tout son fait ; eût-il même été libre vis-à-vis du gouvernement, il est bien probable qu’un bonnet à poil de grenadier sur les tours Notre-Dame aurait suffi pour le tenir en respect. Certes, son sentiment intime était contre les Ordonnances et, dès le 26, il l’avait dit en confidence à quelques élèves. Il leur avait annoncé qu’une lutte longue et terrible allait s’engager entre le pays et le Gouvernement, et dit que, quel que fut le sort de l’École, leur place devait être marquée du côté des idées libérales[2]. Il s’apprêtait donc à une énergique opposition de principes, et il en envisageait les conséquences sans trembler pour lui-même ; mais il était d’un tempérament trop pacifique pour se douter un seul instant que la crise pût se dénouer en trois jours par une insurrection armée. Qu’on juge de sa surprise et de son trouble lorsqu’il vit tout d’un coup l’École enveloppée par le torrent révolutionnaire, qui roulait à grand fracas du haut en bas de la montagne Sainte-Geneviève et de la rue Saint-Jacques. Il sut que le 27 juillet plusieurs élèves avaient proposé à leurs camarades de sortir : le 28, il fut dans les études dès 5h30m du matin. Son langage indigna Galois : il voulait que chaque élève s’engageât sur l’honneur à ne pas quitter l’École ; Galois refusa et, avec lui, son

  1. Gazette des Écoles.
  2. J’ai pris soin de n’employer, pour tout ce qui suit, que le récit donné par la lettre de l’élève Bach, que celui-ci publia au mois de décembre pour justifier M. Guigniault contre les attaques de Galois. Cette lettre a été insérée par M. Guigniault dans son rapport au ministre sur le renvoi de Galois. (Voir Pièces justificatives, p. 259.)