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tables. « Mais, dit-il textuellement, la fureur des Mathématiques le domine. Je pense qu’il vaudrait mieux pour lui que ses parents consentent à ce qu’il ne s’occupe que de cette étude : il perd son temps ici et n’y fait que tourmenter ses maîtres et se faire accabler de punitions. »

C’est à cette année que se rapporte l’un des renseignements les plus intéressants donnés, en 1832, par Auguste Chevalier, dans la Revue encyclopédique. « À seize ans, dit-il, Galois commit la même erreur qu’Abel sur la résolution des équations générales du cinquième degré. » En présence d’un pareil élève, M. Vernier était tout désorienté ; en vain il essayait de le retenir, l’autre lui échappait, et l’excellent homme lui reprochait de plus en plus de compromettre son succès en travaillant sans méthode ; il ne lui donna à la fin de l’année que le septième accessit. Mais il s’agissait bien de cela pour Galois : simple élève de préparatoires, tout seul, il s’était préparé aux examens de l’École Polytechnique, qu’il n’aurait dû aborder qu’après une année d’élémentaires et une de spéciales, et il osa s’y présenter : il échoua. Cet échec lui fut amer et lui parut le premier des dénis de justice qui, réels ou imaginaires, finirent par empoisonner sa vie[1]. Une des formes de sa fureur pour les Mathématiques était, en effet, l’ardente volonté d’entrer à l’École Polytechnique, où il sentait d’avance que trouveraient leur emploi toutes les énergies de son cerveau et de son cœur. N’était-elle pas, en même temps que la première école de Mathématiques, une fille de la Révolution restée fidèle à ses origines, malgré tous les efforts des princes et des rois pour l’attacher à leur dynastie ? N’était-ce pas sur son exemple que se réglaient les pensées de toute la jeunesse libérale ? Et, du fond de leurs sordides études, quand les collégiens d’alors organisaient l’émeute, ne prenaient-ils pas pour modèles les frères aînés du collège de Navarre, ces grands et généreux enfants qui, rien qu’en chantant, faisaient trembler la Cour et l’Église ? Tout attirait Galois à l’École Polytechnique : il s’y sentait prédestiné ; elle était faite pour lui comme il était fait pour elle.

Il voulut donc se représenter et, sautant la classe de Mathématiques

  1. Magasin pittoresque.