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MONSIEUR

JACQUES, 8

père sur l'échafand ; qu'il nous a séparés toi eL moi, Gaslon, par un abime désormais infranchissable; que je meurs parce qu'il a soulu ma honte ! Oui, ce sont là d’atlreuses vé tés que je ne puis me dissimuler et qui m'ôtent la force de lui par- doûner à mes derniers moments, comine me l'ordonne mon devoir de chrétienne! Eh bien! malgré tous les crimes dont cet homme s'est rendu coupable, il en est un cependant qu'il n’a pas osé accompli *

Mademoiselle de s'arrêla un moment, puis laissant tomber sur son cousin un de ces regards purs et limpides comme Îe divin Raphaël a su seul en donner à ses vierg “elle buissa encore la voix, et se penchant vers son finncé

— Ne comprends-tu pas, Gaston, murmura-t-elle, mon aveu?,

— Que dis-lu, Laure? s'écria le jeune homme avec inpé- luosité, Explique-toi, de grâcel.. Je ne sais si je dois m° rêter à l'idée qui me vient à l'espritl... Oh! non ce serait trop de bonheur. Parle, parle, de languir davantage !

JÙ est certain que mademoiselle de L*** ne socpçonnai pas Ja présence d'un étranger daus là chambre, que rien m'avait pu me trahir, Cependant, avant de répondre au comte, elle regarda inslinctivement autour d'elle comme

our s'assurer qu'entre elle et son cousin Dieu seul écoutait leurs confidences.

— Gaston, dit-elle alors en s'appuyant sur le jeune homme par un geste plein d'un chaste abandon, si la mort n'a rien qui m'ellraye, c'est que je meurs digne de toi! Ta Garcée D'a jamais manqué à.8es serments !,

— Ahl mon Dieu, je vous remercie, s'écria le comte avec une explosion de joie qui tenait du délire tje suis trop heureux ! je suis trop ieureux!.…

Je ne rapporteraï pas les tendres et doux propos des deux flancés : c'est lü un de ces souvenirs que je garde soineuse- ment enfonis dans le coin le plus obscur de mon cœur. Hélas! cel entretien devait être le dernier de ces inforinnés ! Mudemoiselle de L***, dominée par la puissance el le charme de la parole dè Gaston, avait un moment oublié ses souf- frances, mais la nature ne larda ni à reprendre ses droits. La malheureuse jeune fille pälit et retomba en proie à une crise affreuse,

J'abandonnai alors l'angle obscur où je m'étais tenu jus- qu'alors immobile, et courus à son secours: Mon apparition parul élonner exlrémement le come.

— Quoi! vous n'êles pas encore parti ! me dit-il, Je vous croyais déjà loin d'ici, et ne pensais plus à vous. Venez, suivez-moi,

Gaston, en parlant ainsi, me prit brusquement par le bras, el m'entraîna, sans me donner le temps de lui ré- poudre, vers la porte de sortie,

— Mais, moo ami lui dis-je, pendant qu'il détrnisait en toute hâte l'espèce de barricade que j'avais formée avec des meubles derrière là porte; mon ami, qu'allez-vous faire? Ecoutez-moï, je vous en conjure ! jé

Le comte de L#*, sans me répondre, avait contin son travail. Armant ses pistolets, probablement afin d'emp cher d'entrer ceux qui eussent pu se présenter, il entr'ou- writ la porte et me poussa doucement dans la rue.

— Et voire or que vous me laissez, lui dis-je vivement, reprenez-le !

Le comte de L**, an entendant ces paroles, leva les épaules d’un air de Vous savez bien que je nappartiens plus à Ia terre, me en referwaut vivement la pure sur lui, gardez cel or 1

pr

el me serait impossible de faire comprendre an lecteur liupiession extraurdinaire et bizarre j'éprouvai en me retrouvant dans la rue : ln vue du soleil, succédant brus- quemeut pour. moi à Ia demi-obscurité qui régnait dans la chambre que je venais de quitter, me causa un éblouisse-

ÿ ment étrange; il me fallut employer toute. ma farce de vo= lonté pour ne pas céder aux hallucinations qui-pesaient sur ma raison et l'obscurcissaient ; daus mon (rouble, je fus au moment de pousser de grands cris el d'appeler au secours.

Ce fut à un sentiment égoïste, à l'instinct de la conserva- tion, que je dus de recouvrer mon sang-froid.

Un détachement de troupes révolutionnaires, qui débou- cha en ce moment au bout de la rue, me rappel, par la peur, à l'apprécialion de ma pôsition, Je me vis arrêté, con- damé à mort comme le complice du conte de L*#*, ei je in'empressai de m'élujgner à grands pas dans la diréction de mon hôtel.

Eu arrivant à l'auberge du Niveau-Egalitaire, je m'en- fermai dans ma chambre, car il m'avait semblé que pendant le trajet plusieurs personnes m'avaient regardé avec éton- nement ; je lenais à consulter ma glace pour voir si vérita- blement ma figure se ressentait, au point d'appeler l'atten- tion, des émotions de la matinée.

Un morceau d'unc glace brisée et à moitié dépolie, sus- pendu au mur de mon taudis, me présenta, lorsque je me plaçai devant, un visage d'une telle pâléur et des traits si décomposés que j'eus peur de moi-même,

Je me jetai suë mor lt el je parvins, ainsi que me l'ap- prit ma montre lorsque je me relevai, à dormir pendant une demi-heure, $

Ce somuieil réparaléur me remit complétement dans mon élat normal, et je crus pouvoir aller, sans danger d’éveiller les soupçons, faire viser ma feuille de route au district, ne puis toutefois exprimer les angoisses que j'éprou- vais intérieurement en songeant au jeune comte et À sa cou sine.

Cette pauvre victime avait-elle succombé à la violence du poison? Gaston s'était-il tué? Qu'élait devenu le citoyen

and? Quel devait être le dénoûment défoitif de ce terri- ble drame? Telles étaient les questions que je m'adressais tout en marchant, et qui plougeaient mon esprit dans une perplexité profonde, E

— Grâce à Ja rencontre que j'avais faite d’un bonnète et complaisant bourgeois qui s'offrit à mé servir de guide, j'ar- rivai bientôt au distri

Les membres du district, c’est une justice à leur rendre, ne se génaient nullement pour traiter en publie les affaires courantes de leur administration, an

Quoique nous fusions là une dizaine de personnes étran- s’en commencèrent pas moins à s'occuper de leurs lravaux quotidiens.

— Ciloyen, s’écria l'un d'eux on montrant une lettre dé- cachetée qu'il tenait à la main, voici un échantillon qui prouve fort peu en faveur du patriolisme des habitants de la commune de Lacédémone, dite jadis de Saint-Jean-le-Haut, Le mâire nous écrit pour nous apprendre que la grande clo- che de leur église, que nous leur avons ordonné de fondre et de nous expédier en lingots, leur a été volée.

— Secrétuir ja le vice-président, écrivez au maire el aux officiers municipaux de celte commune. que si leur cloche ne se relronve pas d'ici à huil jours, ils seront tous arrèlés et guillolinés, À présent quels soût ces papiers, mon cher collègue, continua le vice-président en s'adressant à l'administrateur qui venait de dénoncer la lettre du maire de la commune de Lacédémone : sois assez bou pour nous en faire le dépouillement.

— Réquisilion et préhension des chevaux, des muets et des juments, de la laine, des cochons, dela cire, des draps bleus, verls et rouges, du linge de corps, des couver- tures, houppelandes, souliers, métaux et ustensiles de tout genre, charpie, etc. Produit de la dernière décade,,

— C'est bon, dit le vice-président en interrompant son collègue, on vérifiera ces comptes-en poursuivant les fédé. ralistes ou_les tièdes qui n'auront pas fourni leur contingent: passons à autre chose...

— Les conmmissaires churgés d'exercer le droit de pré»

sion sur les fourrages, charrélles, atielages, burnais, ele. , demandent, vu les dillicullés que. présente cette opération, qu'on ieur aceurde uu déluit