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2 MONS

SIEUR JACQUES.



ma sûreté de plus en plus compromise, el comprenant que reculer c'était me perdre, je dus m'exécuter de bonne grâce.

Toutefois, je me promis de saisir avec empressement, si elle se présentait, l'occasion de me retirer de celte affaire, et de reprendre ma neutralit

— Giloyen officier, me dit vivement et à voix basse le président du district dés que le comte de L*** nous eut laissés, si lu veux me rendre la liberté, je te jure, sur le sa- Ju de la république, que tu n'auras pas à l'en repentir!

— Ne crains pas que nous té dénoucions, ajouta la vieille tante! Au resle, notre reconnaissance le garantit de notre discrélion et de notre silence 1.

— Je ne demanderais pas mieux que de me rendre à vos prières, leur répondis-je, mais j'ai donné ma parole à mon compagnon, et je ne puis ÿ manquer. Restez donc tranquilles el n'essayez pas de fuir; où sans cela je me verrais con Lraiot, à mon grand regret, de faire feu sur vousf

J'achevais à peine de prononcer ces paroles quand M. de L*# rentra

— J'ai trouvé ce dont j'avais besoin, dit-il, uit caveau

sans issue, voté en pièrre dé taille eu fermé paf tine porte tellement épaisse qu’elle doit être, ma foi, à l'épreuve du canon. Allons, suivéz-moi, conlinua-1-il, en s'adressant à ses prisonniers. Le président du distriet et sa fante ne se firent pas répé- ter deux fois cet ordre; je vis au sourire qu'il amena sur leurs levres qu'ils se sentaient débarrassés d'une grande frayeur, et qu'après avoir désespéré un morment de la Vie, ils evenaient à l'espérance,

Eu effet, une incarcéralion de quelques heures au la catastrophe terrible à laquelle ils s'attendaient é grand boubeur pour eux.

Une fois que je me trouvai seul avec mademoiselle de L**, je m'approchai avec empressement de son lil, et la soulévanc daus mes bras, je parvins, après l'avoi son sommeil léthargique, à lui faire prendre une tasse en- tière de café,

— Eh bien, ma cousine, comment vois trouvez-vous à ut? lui demanda son flancé, que je d'avais pas entendu venir et que j'aperçus placé derrière moi, droit, imno- Lile, le regard fixe et les bras croisés.

Au son de cette voix qui lui était si chère, mademc de 1” tressaillit de tous ses membres : ses paupière: mées se relevèrent, sa figure s’anima, on eûl dit une mor | rapprlée à la vie par un miracle.

Élle pas ment, à plusieurs reprises, sa maïîn sur son front, el puis, poussant tout à coup un cri déchu et fermant les yeux : Grâce! Gaston, sécria-t-elle avec effroi, grâce! ne me maudis pas! Je devais sauver mon père!

— Laure, ma bien

ée, mon seul amour! dit le jeune Lomme d'une voix douce ét en se laissant tomber à genoux au pied du lit où reposait la pauvre jeune fille, ne parlons plus du passé! Nous voilà réunis pour toujours! Dieu nous altend au ciel!

Le jeune homme el la porta respectueus l'avoue, je pleurai !

Peu à peu mademoiselle de L” naissance.

— Ohl mon cousin, s'écria-L-elle en éclatant en sanglots, comment pouvez-vous daigner m'adresser eucore la parole el vous occuper de moi? Oubliez-vous donc que je m'appelle la citoyenne Durand! que je suis une misérable créature indigné d’un seul de vos regards?

© Ma bien-aimée Laure, ne parle point ainsi, Ini dit le jeune home en lintérrompant ; à quoi bon assombrir par des souvenirs poignants le peu de Lenps que nous avons en core à rester sur lu terre. Tes walheurs ne prouvent-ils pas en faveur de ta piété filiale ! Ne font-ils pas le plus bel éluge de ton cœur? Pauvre et douce victime u modeste el cé- leste qui L'humiliés devant ton sublime dévouement!

— Vous me pardonnez done, Gaston? reprit madeimoisclh

ément elléré dejà par les ap=

isit alors une des mains de sa cousine enent à ses lèvres. Quant à moi, je

reprit tout à fait con-

de L*+, dont le visage, profon

proches de la mort, se couvrit, pendant que son in pau Pit, d'une légère Fougeur el oril, Menara PRe= cable poux mo radieux le beauté a de jeunesse 1

— Te pardonner, ina sainte Laure! Et Yeux-l j te pardonne? Le sécrifice de ton Meet que IE courage de faire à ton devoir? Ton martyre, ta longue ago= nie? Ah! ma cousine, je l'en supplie de nouveau. ie sombrissons pas, par des souvenirs qui nous rappellent d'at. freuses souffrances , le court moment que nous avons encore à passer sur la terre, Goûtons, sans que rien ne trouble n0- ue io le bonheur de nous revoir 2... Le

— Que vous êles ban et noble, Gaston! mur j file en comemplant dan regard angélique, € qui were plus rien d'humain, son cousin agenouillé devant son it.

Un court silence suivit : bientot mademoiselle de L.°"* re prit la parole : S

— Votre apparition m'a tellement émue, Gaston, dit-elle,

Je n'ai pas encore eu le temps de m'en élonner, Com men peut-il se faire que vous vous trouviez ici ?

— Ma présence le prouve, ma céleste Laure, que Dieu prend toujours en pitié et n'abandonne jamais ceux qui croient el espèrent en son incommensurable: bonté. Un amour immense et pur cowme le nôtre ne peut, ainsi qu'une

assion vulgaire, être soumis aux événements ordinaires de la vic{ Nul autre que moi n’est digne de recevoir tou der- nier soupir! Tu vas mourir ! me voici !

— Cest vrai, Gaston, je vais mourir, répéta doucement

mademoiselle de L*** en accompagnant ces paroles d'un ineffable sourire, qui prouvait combien celte idée lui était douce. Mais, hélas! poursuivit-elle-après un nouveau si- lence, ma mort n'est-elle pas an rimel Dieu me pardonne- il d'avoir attenté à mes jours ? — Rissure-toi, ma bien-aimée, lui dit le jeune homme en serrant doucement sa main, lorsque tu as bu le poison qui t lue, Ha douleur l'avait rendue insensée!… Tu n'as pas obéi à upe coupable pensée, mais seulement au délirel.…

— Gaston, ne pourrais-je pas voir un prêtre ?

A celte question de la pauvre infortunée, un nuage passa sur le front de son fiancé.

— Cela est impossible! répondit-il, nul être humain ne doit plns pénétrer dans celte demeure. Pourquoi me ri des yeux étonnés ? Laure, ne comprends-lu pas que uis jalvux de ton dernier soupir ?

En ce moment un spasme nerveux agita le corps fr délicat de la jeune fille, et Gaston, se relevant viv » se mit à lui prodiguer lous les soins qu'il était en sa puis- sance de lui donner,

Quant à moi, je n'osais abandonner l'angle obscur de la chambre dans lequel je me tenais immobile, hors du regard ile la mouraute, car je creignais que la présence d’un étran- ne fût désagréable à mademoiselle de L'**, Il me serait impossible de décrire l'impression profonde que m'avait causée l'entrevue des deux jeunes fancés. D'un autre côté, j'étais dans une attente affreusement pénible de ce qui allait arriver: je ne voyais aucun dénoûment possible à ce drame, où, pour mieux dire, je repoussais avec énergie, loin de moi, tous les dénoûments logiques qui se présentaient à mon esprit.

— Gaston, reprit mademoiselle de L**#, lorsque sa crise se fut un peu apaisée, tu n'as pas répondu lout à l'heure à tua question : Goment as-tu pu pargenir jusqu’à moi?

— C'est Dieu! je te le répète, ma bien-aimée d'autres diraient un pressentiment ou le hasard, qui m'a con- duit ici.

— Mais ne crains-lu pas, continua la jeune fille en hési- {ant et comme si ces paroles lui étaient pénibles à pronon- cer, ne craius-tu pas que Durand n'arrive el ne le sur: prenne? à 3

— Durand! répétn le jeune comte en pâlissant, tandis qu'un éclair de rage brillait dans ses yeux, ne me parle plus de cet homme, je Ven supplie, ma Laure bicu aimée. Le bourreau de ton père el ton assassin! Ah! son nom dans Là bouche est pour moi une cruelle blessure au cœur

— Il est vrai que ce monstre ü fait monter mon pauvre