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MONSIEUR JAGQUES. 33

en ee or



— Camarade, m'écriai-je, qui que vous soyez, ayez pilié | alors je m'abandonnais à une puérile et extravagante dou-

d'un malheureux au secret et Venez à moi.

Quelques secondes, qui me prurent langues comme des heures, suivirent mon appel Enfin, ilme sembla que le bruit de pas se rapprochait de plus en plus dans la direction de mon cachot, À

— Par ici, m'écriai-je, je suis au numéro 47.

11 faudrait que le lecteur, pour bien comprendre la joi qui me saisit lorsque j'entendis une voix me répondre : lence, je viens, » il faudrait, dis-je, que le lecteur se füt trouvé dans une position semblable à la mienne, c'est-à-dire plongé dans une incertitude complète sur son sort, et privé de tout contact humain.

— Qui êtes-vous et que voulez-vous, pauvre victime? me demanda bientôt le détenu attiré par mes cris,

— Je suis un pauvre officier qui gémit dans un cachot our avoir voulu défendre une jeune fille que l’on outrageait, lui répondis-je, et je désirerais avoir ce qu'il faut pour écrire,

— Je reviendrai Lantôt, et je vous apporterai du papier et

un crayon, me répondit-on.

— Ah! merci, généreux inconnu;

— Silence, reprit le détenu en m'interrompant vivement à voix basse, mon absence trop prolongée pourrait éveiller des soupçons. A tantôt!

Après m'avoir fait cette réponse, l'inconnu s’éloigna ra- pidement.

Depuis que j'avais l'espérance de posséder du papier et un crayon, il m'était impossible de me tenir en place. J'ar- pPentais mon cachot de long en large, avec une fiévreuse im- patience, La pensée.que je pourrais bientôt, en me rappe- ant au souvenir de mon oncle, obtenir, soit d’être inter- rogé, soit d’être placé, sans passer par le cabin instruction, dans une des salles communes, me dir le-cœur de joie.

Par moment, je mc figurais que le détenu, attiré par mes ais, ne tiendraii pas la promesse qu'il venait de me faire, et

IVe s.


leur,

La nuit commençait à se faire, et avec le jour s’éteignait mon espoir, lorsque j'entendis frapper plusieurs coups lé- gers sur la porte de mon cachot.

— Est-ce vous, généreux inconnu? demandai-je en sen- tant le sang m'afluer au cœur.

— Oui, c’est moi, me répondit-on, je suis venu sur la pointe des pieds, aûn de ne pas éveiller les soupçons des guichetiers qui se trouvent à l'étage inférieur. Je vous ap- porte le crayon et le papier que je vous ai promis.

— Ah! Dieu vous récompensera de votre bont

— Mais comment vous faire parvenir ce papier et ce crayon?

— Possez-les par-dessous la porte.

Hélas! la porte étail si épaisse el son panneau inférieur si rapproché du sol, que mon compagnon d'infortune dut bien- tôt renoncer, après plusieurs lenlalives infructueuses, à ce moyen de communicalion.

d'eus alors un moment de découragement complet et je ne pus retenir mes larmes; puis une colère immense s'em- para de moi et je me mis à gralter, comme font les hyènes et les bêtes fauves, le sol avec mes ongles. Je ne réussis qu'à m'ensanglanter inutilement les mains.

Ne vous désespérez pas ainsi, me dit mon invisible in- termédiaire qui entendit sans doute mes sanglots; il me vient une idée. La chambre que j'habite est située juste au-des- sous de votre cachot, rien ne vous empêche donc de com- muniquer par le dehors, Vous n'avez qu'à faire tescendre une ficelle par les barreaux de votre fenétre. Mais j'eatends du bruit... au revoir. “ emière pensée, lorsque le bruit des pas de mon complaisant compagnon d'infortune se fut perdu dans le

inlain, fut d'examiner ma fenêtre ! s! elle se trouvait élevée de près de neuf pieds au-dessus du sol, Tontefois je caleulai qu'en renversant mon pliant et en m'en serrait comme d'une échelle, il ne me serait pas impor teindre. Restait à me procurer la ficelle dont j'avais

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