Page:Duplessis - Les Étapes d'un volontaire, 4, 1866.djvu/16

Cette page n’a pas encore été corrigée

45 MONSIEUR JACQULS.



— Moi, une victime politique! me répondit-il en s'abau- donnant à un rire homérique, dont les éclats relentissants ébranlèrent douloureusement mon cerveau affaibli! Moi, une ictime politique! hi ! bien, vous ne me connaissez gu J'ai trop d'amour de moi-même pour m'occuper des affaire: des autres ! Après tout il ne faudrait pas vous imaginer non plus que je déteste la politique; loin de la! Seulement j'ai Soin de ne l'appliquer qu'a mes intérêts particuliers sans me soucier des masses. Tel que vous me voyez, ou pour mieux dire Lel que vous n'entendez, car Vous ne me Voyez guère, j'ai été orateur virulent du club; j'ai monté sur une borne, harangué le peuple au no de la liberté, de la fraternité, a nom d’une foule de choses dont je ne me souviens pas plus que d'un brin de paille, et l'on m'a porté en triomphe. € lait là le bon temps! J'ai fait de brillantes affaires, réalisé des bénéfices considérables, mené une vie de satrape.

— Mais qui donc étes-vous? repris-je en interrompant mon compagnon de caplivili,

— Qui je suis ? parbleu! je suis Pampin !

— Ah !'vous êtes Pampin! répélai-je machinalement et ne comprenant rien à celle réponse. k

— Luimêmel pour vous servir, camarade, continua l'homme à la voix rauque et forte, d'un toù protecteur, qui me donna à supposer que j'avais affaire à quelque célébrité ; vous voyez que le hasard, en vous conduisant ici, ne vous à pas si mallraité! Mes paroles valent, dit-on , des sentences : Si nous restons seulement quinze fours ensemble, je veux faire de vous un homme remarquable ! un élève distingue !

— Que vous êtes heureux, camarade! s'écria le seçand détenu à la voix douce et mielleuse qui déja ev’avait une pre- mière fois adressé la parole, Rémerçiez votre bonne étoile, qui vous vaut l'inestimable protection de l'illustre Pam-

in! LE Qui La permis d'élever la voix, misérable couleuvre! s'écria Pampin en interrompaat le prisonnier. Allons, tis- Loi, ou je tape.

Tout ce que j'avais entendu depuis un moment me sem- blait si peu compréhensible, qu'un instant, je doutai de ma

ison : je résolus done, pour mettre tn lerme à mon incer- titude, d'avouer franchement à Pampin qu'il m'était totale- ment fncomnu, et de le prier de s'expliquer d'une façon plus claire.

— Citoyen, Ini dis-je, je vois, à l'assurance de votre lan gage, que vous n'êtes pas un homme ordinaire, mais pardon- nez-Mioi mon ignorance, car, après tout, j'arrive de la fron- re et je ne suis qu'un pauÿre provincial : je vous confesse en toute humilité que jatais, avant ce jour, je n'ai entendu prononcer votre nom, et que, par conséquent, je u'ai pas idée de ce que vous pouvez être !

— Quoï, vraiment, ta ne mé connais pas! s'écria Pampin avec un étonnement profond; quoil mon nom n'est pas parvenu jusqu'a toi! Quel néant se trouve au fond de la

loire! É Celle réponse et celle exclamation excitèrent au plus haul point ma curiosité : je prêtais une oreille attentive et je me préparais à recevoir l'important aveu que j allendais, quand Pscpia se Lut lou à coup.

— Eh bien Llui demandai-je.…

— Eh bien! me répondit-il, je réfléchis.

= Et à quoi, je vous prie, si celle question m'est pas ni- diserèle ?

— Pas le moins du monde! Je réfléchis, qu'après m'être tant vanté de mon expérience, jé parle devant loi avec une légèreté qui serait à peine purdonnable chez un enfant! Je réfléchis, en outre, qu'avec ton air sincère, naïf el mème un peu bête, passe-rtioi le mot, tu es peut-être un mouton.

— Un mouton! répétai-je, croyant que j'avais mal en- tendu. Je n’y suis plus du tout, tu parles hébreu pour moi!

— Au reste, reprit l’énigmatique Pampin, peu m'importe, à m6n point de vue personnel, que lu sois Ou non un mou- ton. Je suis, grâce à mes lalents et à mon énergie, assez avantageusement connu pour que tes rapports n'influent en rien sur l'opinion que le procureur de la République doit s'être formée sur mon cottiple; seulement, je l'avertis que si


s soupçons se confirment, et je Le prie de croire que pet soins me sufront pour savoir à quoi m'en tenir à ce au jet, je L'avertis, dis-je, que je Le tordrai le col,

in, en parlant ainsi, prit mon bras dans sa main, et à avec une telle force; qu'il m'arracha un cri de


s, à présent, par cet échantillon très-in- muscles, ajouta-t-il, que ce que j'ai dit, je



complet de n le K suftit!

— Mais, du tout, cela ne suit nullement, m'éc Broyer les’os à quelqu'un n'est pas lui répondre, J'insiste plus que jamais pour que Lu mettes les points sur les à, Qui es-tu? et qu'entends-tu dire en m’appelant mouton ?

— Je suis Pampiu le terrible assassin, Pampin le célèbre voleur, Pampin qui n'a jamais tremblé devañtun gendarm Pampio qui a déjà subi trois fois la torture, Pampin q mourra en riant an nez du bourreau! J'espère que tu n'as pas à le plaindre de l'ambiguïté de mes discours, Quant à un mouton, ou désigne par ‘ee sobriquet les espions que lon mel avecles travailleurs comme moi, pour leur arracher leurs secrels.

de ne cacherai pas qu'en entendant cette réponse, que Pampin me fit de sa plus belle voix de basse-taille, je sentis un frisson me passer le long du corps. Ah! penser que j'é- tais assimilé à des voleurs et à des assassins, enfermé avec de tels gens ! c'était affreux.

— ‘Tu ne causes plus, maintenant, reprit après un mo- ‘ment de silence mon terrible compagnon de captivité ; ta langue est paralysée par l'horreur que je t'inspire, Tu crains mon contact à légal de celui d'un reptile venimeux! 1 garçon ! combien lu manques de réflexion et d'e Oui, j'avoue en effet que je ne suis pas une natun ce qu'on appelle un brave homme ! qu'il est des gens dant où doit rechercher l'amitié de préférence à la mienne, € je n'ai pas le droit de me plaindre du sort qui n'attend l'échafaud! Mais, crois-tu bonnément que Lt le trouves en bien plus mauvaise compagnie avec moi que si l'on l'avait placé dans un cachot de politiques! Franchement, et sans modestie, telle n'est pas uion opinion,

Moi, quand je lue, je suis semblable à la bête féroce qui s'élance sur sa proie. Le ligre aîme le sang, moi j'aime Vor! Je ne suis pas hypocrite, je suis violent et sans pitié, voilh tout! Je n'essaie pas d'excuser mes crimes! À quoi bon! Te figures-tu que je manque complètement de cons- cience el que je n'ai pas aussi mes heures de faiblesse tout comme un honnête homme? Tu commettrais là une grave erreur ! J'ai pussé plus d'une nuit sans sommeil en voyant apparaitre devant mes yeux épouvantés les fantômes san- glants de quelques-unes de mes victimes! Oh! je ne tiens pus me faire ni moins mauvais, ni plus fort que je suis ; je ime peins Lel que je reconnais être, c'est-à-dire un scélérat indigne de pitié, un abominable gredin ! EL pourtant là, franchement, la main sur ma conscience, — Car j'ai une conscience tout comme un autre, moi! seulement je ne l'é- coute pas, — je prétends, sans vanilé, que je suis moins coupalile que certaines gens qui, À coup sûr, ne Le feraie pas éprouver une aussi forte aversion que celle que je in pire. Cela te parait bien drôle, n’est-ce pas ?

— Le fait est, répondis-je, en acceplant celte singulière discussion, que je ne comprends pas trop comment un homme pourrait être plus crimiuel que toi.

— Eh bien, je vais te l'expliquer. L'homme plus infme et plus ignoble que moi, et de beaucoup même, est celui qui, ayant, — comme je l'ai toujours eu, — l'horreur du travail, rejette sur la société les malheurs dont il n'est re- devable qu'à sa propre paresse, et devient l'ennemi jaloux et acharné de ceux qui savent, à la sueur de leur front, gi gner leur vie et porter haut leur honneur. Get homme, aussi lâche qu'il est hypocrite, n'osant pas, pour assouvir ses

passions, braver la sévérité de la loi, s'abrite der-


auvai rière une idée généreuse et se fait politique. Révant à son profit la fortune des riches, le pouvoir des puissants, il at-

taque, au nom de la liberté, la puissance EL la richesse. Com- prenant qu'il est incapable, et par SOU ignorance crasst de