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qe de son côté, de procédés eL de galanterie. Il n'y a pas ans lout cela de quoi fouetter un cha!

— C'est bien aussi mon avis, citoyen. Je n'ai jamais douté un moment que tu ne me fisses mellre de suite en liberté. Puis-je me relirer?

— Ma foi, oui. ; c'est-à-dire non! la régularité avant tout, I faut d'abord que j'interroge le commissaire aux ré- quisitions.

Gelte réponse, qui équivalait pour moi à un ordre d'élar- gissement, me combla de joie; déjà je remérciais Dieu de


m'avoir sauvé de ce danger, lorqu’une voiture lancée au |

LS) s’arrêla dans la cour du district; peu après, le bruit uit par un pas nerveux et rapide se Gi entendre dans l'antichambre, et bientôt un jeune homme, le chapeau sur la tête, à l'air fier et résolu, entra dans la pièce où je me trouvais, ;

A la vue du nouveau venu, je ne pus retenir une excla- malion de surprise, car je compris que j'étais perdu.

Le nouveau venu, dont AU si imprévue et si in- tempeslive me causait une telle impression d’effroi, n'était aulre que ce même commissaire de salut public que j'avais rencontré à Saint-Cunat, il y avait de cela environ quinze jours, dont j'avais mangé involontairement le souper, et qui avait fini par me prendre pour son collègue,

A peine eut-il décliné son litre, que le vice-président du distriet se leva avec un empressement peu Fépublicain el lui offrit le fauteuil sur lequel il était assis.

— Je ne suis venu au district que pour jeler un coup d'œil sur les registres et demander quelques renseignements, lui répondit l'éminent personnage, lout en me regardant avec une fisité et une allention, que je fs tous mes efforts pour soutenir avec indifférence. Mais non, je ne me trompe Pas ! ajouta le comuissaire en continuant son examen sur Ma personne ; c'est bien lui. Quoil collègue, vous ne me Connaissez pas?

A celle question, il n'y avait pas à balancer; il fallait ré- pondre. Je compris que l'audace pouvait seule me sauver,


et, appelant tout mon sang-froid à mon aide, je résolus de pousser mon rôle jusqu'au bout.

— Je vous reconnais parfaitement, lui répondis-je.

— Eh bien, pourquoi alors restez-vous là immobile et silencieux devant moi sans daigner m'adresser la parole, sans me Lendre la main ?

— Parce que j'ai pour système, vous devriez vous en sou- venir, de ne jamais me livrer à des démonstrations signifi- catives qui puissent compromettre l'incognito que je désire conserver, lui répondis-je en affectant de l'humeur.

— Ma foi, je suis dans mon tort, je l'avoue, J'ai complé- tement oublié, en vous retrouvant, que vous procédez avec iysière, Après lout, il n’y avait pas grand mal; le citoyen vice-président du district est la seule personne qui connaisse probablement voire position, el il sera discret, Que veniez- vous faire au district? Ne vous gênez pas; si ma présence vous dérange, avouez-le, J'ai justement besoin de me rendre à la société populaire ; je reviendrai lorsque vous aurez ter- winé votre affaire.

— Le fait est, dis-je, en redoublant d'impudence et d’uu- dace, car le moment décisif me parut arrivé, le fait est que votre présence me dérange !

— Voyez comme j'avais déviné? En ce cas, je cours à la société populaire, Sans adjeu ; j'espère que nous dinerons ensemble aujourd'hui?

— Je ne puis vous le promettre, mais je ferai tous mes efforts pour que cela ait lieu. Au revoir!

Le vice-président du district, pendant {out le temps de notre dialogue, n'avait cessé de donner des signes non équi- voques d’ur étonnement. profond. Je ne puis même me rap- peler aujourd'hui, sans rire, l'expression de slupéfaction comique que refléta son visage lorsqu'il entendit pour la première fois le commissaire du salut public me traiter de collègue.

— Pardon, citoyen, lui dit-il en le retenant au moment où il allait quitter la salle, mais je ne comprends rien à Les discours. Pourquoi donc traites-lu ce militaire de collègue, et lui assures-lu qu'il peut compter sur ma discrétion.