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ENSEMBLE.
BEAUJOLAIS.
––––––Tromb-al-ca-zar t’en fait serment,
––––––Foi de voleur ! foi de brigand !
––––––Il sait se venger des ingrats,
––––––Et cette oreille tu l’auras !
GIGOLETTE.
––––––Tromb-al-ca-zar j’ai ton serment
––––––À la face du firmament ;
––––––J’y compte, tu me vengeras,
––––––Car tu sais punir les ingrats.
IGNACE.
––––––Tromb-al-ca-zar, affreux brigand,
––––––Astolfio, grand sacripant,
––––––À vos poignards, à votre bras,
––––––Ignace n’échappera pas !
VERT-PANNÉ.
––––––Astolfio t’en fait serment.
––––––Foi de voleur, foi de brigand !
––––––Il sait se venger des ingrats,
––––––Et cette oreille tu l’auras.

(Ignace se fourre dans la huche.)

VERT-PANNÉ.

Tu dois être contente ?

GIGOLETTE, avec exaltation.

Oui, je le jure, cette oreille, je veux la clouer à la porte de ma demeure.

VERT-PANNÉ, bas.

Je te prêterai un clou.

GIGOLETTE, ton naturel.

T’es bête ! (Reprenant.) Je veux que le passant, effrayé par cet exemple, s’écrie : Ah ! ah ! il ne fait pas bon dans ce pays-ci de tromper les jeunes filles.

BEAUJOLAIS, VERT-PANNÉ.

Bravo, très-bien tartiné.

VERT-PANNÉ.

Mais qu’as-tu donc encore, Tromb-al-ca-zar ? Tu piétines, tes jambes flagellent et tu chanceolles…

BEAUJOLAIS, le reprenant.

Flageole et chancelle. (prenant une prise.) Moi, je trouve que la vengeance de cette jeune fille est trop douce. Par les cornes du diable, cet Ignacio… (Très-fort.) il faut le frapper !…

VERT-PANNÉ.

Parle bas…

IGNACE, à part.

Oh ! ils veulent me frapper par le bas !

BEAUJOLAIS.

Il a mérité…

TOUS.

Quoi donc ?

BEAUJOLAIS.

La mort !

TOUS.

Ah !

GIGOLETTE, d’un ton dégagé.

Tiens ! c’est une idée !

IGNACE, à part.

Oh ! la petite bête féroce !

VERT-PANNÉ.

Mais cette mort, la demanderas-tu à la pendaison ?

BEAUJOLAIS.

Non !

VERT-PANNÉ.

Au poison ?

BEAUJOLAIS.

Non !

VERT-PANNÉ.

À la pâmoison ?

BEAUJOLAIS.

Non !

VERT-PANNÉ, criant.

Mais à quoi la demanderas-tu donc ?

BEAUJOLAIS.

Au fer !… Non pas au fer qui frappe dans l’ombre et la nuit sombre, non, non, non, non, non, non ; mais au fer qui reluit au soleil, oui, oui, oui, oui, oui, oui, oui. Non pas au poignard trapu de nos Trabücayres… mais à la dague légère et affilée de nos gitanes et de nos bohémiennes.

VERT-PANNÉ.

Oui, tu as raison ; que la beaûté le couronne de rôses, et qu’au milieu des enivrements des danses les plus folles et les plus capricieuses…

BEAUJOLAIS.

Vlan !

VERT-PANNÉ.

Vlan !

GIGOLETTE, se jetant à genoux et tendant les mains.

Oh ! megueci ! megueci !…

BEAUJOLAIS.

Guelève-toi, jeune fille, guelève-toi.

GIGOLETTE, à Beaujolais d’un ton naturel.

Oui, mais qu’est-ce qui va nous faire le jeune pâtre ?

VERT-PANNÉ.

C’est vrai…

BEAUJOLAIS.

Et c’est qu’en effet on ne peut guère répéter sans lui…

GIGOLETTE.

Mais, j’y pense, le jeune aubergiste.

VERT-PANNÉ.

Oui, il a une bonne petite trombine.

BEAUJOLAIS.

Justement, nous avons besoin d’un imbécile, voilà notre affaire.

IGNACE.

Il me semble que j’ai entendu mon nom. (Il se montre.)

VERT-PANNÉ.

Le voilà ! (Il sort tout blanc.)

BEAUJOLAIS.

Où diable était-il fourré ?

IGNACE, tremblant.

Ne faites pas attention, je boulangeais…

BEAUJOLAIS.

Donnez-moi la main, jeune mitron !

IGNACE, courant sur ta gauche.

Je crois qu’on me demande à la grange.

VERT-PANNÉ.

Un moment… nous avons un petit service à vous demander…

IGNACE, même jeu vers la droite.

Des liqueurs ? je vais descendre à la cave.

BEAUJOLAIS, le ramenant.

Non, non… Savez-vous danser ?...

IGNACE, s’affaissant.

Ah ! mon Dieu ! je gi… gi… gotte un peu, mais si mal ! si mal !…

BEAUJOLAIS.

Peu importe ! ces dames vous guideront !… Paraissez, zingaras.

VERT-PANNÉ.

Paraissez, gitanas.


Scène IX.

Les Mêmes, gitanas par la gauche, comédiens ambulants, entrant par le fond.
BEAUJOLAIS.

Ah ! voilà les camarades avec le sac, nous sommes sauvés. (Un des comédiens lui lance une bourse.) Que les danses commencent ! (Il frappe trois coups du pied. – Ritournelle du ballet. Les gitanas entourent le jeune pâtre et l’invitent à la danse.)

GIGOLETTE.

Ah ! j’oubliais… (Première pose du jeune pâtre.) La Couronne de roses ! (Elle la lui met sur la tête.)

IGNACE, à part.

Oh ! c’est elle qui pare la victime… j’ai l’air du bœuf gras ; soyons gracieux, peut-être que mes grâces me feront obtenir la mienne. (Ballet sur une valse chantée, pendant lequel Ignace cherche à échapper aux poignards qui le menacent, et finit par tomber à genoux, frappé de ces mêmes poignards qui rentrent dans le manche.)

BEAUJOLAIS, sur la dernière pose.

Frappez !

IGNACE.

Grâce ! (coup de pied de Beaujolais.) Tiens, je ne suis pas mort. Ne recommencez pas, j’aime mieux être des vôtres. Oui, je m’enrôle dans la troupe du vertueux Tromb-al-ca-zar. Qu’on m’attache à un grand sabre…

BEAUJOLAIS.

Astolfio, attachée à un grand sabre. (Vert-Panné attache un grand sabre au cou d’Ignace.)

GIGOLETTE, tirant Vert-Panné à part.

C’est ça, laissons-lui son erreur.

VERT-PANNÉ.

Il chantera la musique de Beaujolais : ça sera sa punition.

BEAUJOLAIS.

Il dira ta prose, ça sera la tienne. (Cloche au dehors.)

VERT-PANNÉ.

Voilà la vapeur qui va passer.