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Tout était donc, entre Margot et son poète, heureux et promis à un avenir bourré de félicités jusqu’à la gueule, à la façon d’un tromblon mexicain, quand il était advenu un sombre drame.

Flavien s’était amouraché d’une femme canon.

La femme canon qui séduisait le disciple de Freud était une donzelle de cent trente-deux-kilogs trois cent trente grammes, qui s’exhibait dans les foires. Elle se faisait mettre un canon de quatre-vingt-dix sur le râble ; on le chargeait, on le tirait, et elle amortissait de ses vastes reins le recul de cet ustensile dangereux…

Flavien avait senti, devant cette puissante personne, le coup de foudre. Son « subconscient », à la mode freudienne, lui disait depuis longtemps qu’il dut aimer une femme en dehors du commun, par le poids autant que par la force. Il fit donc une déclaration qui reçut un brillant accueil, et, comme la femme-canon, qui avait de l’ambition, partait pour les Îles Baléares, où l’on se proposait d’élire une reine de beauté, le poète s’embarqua avec elle.

Margot resta alors pantoise, abandonnée comme une fille-mère, versant toutes les larmes de son corps, et, certifiant qu’on ne la reprendrait plus à aimer qui que ce fût.

Ce serment dura un mois. Pendant un mois, la belle gosse, dont les appas exubérants attiraient les mâles, et dont le roulis de croupe donnait le vertige même aux vieux messieurs qui cherchent une âme sœur sur les boulevards autour de la Madeleine, refusa pourtant de s’en laisser conter.

Mais au bout du mois, elle était à bout de forces.