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vengeur, s’essayait à l’éloquence parlementaire. Il jetait pêle-mêle des injures, des prosopopées enflammées et des mots d’argot, car il sortait du faubourg Montmartre, où il avait passé sa jeunesse, et son langage n’apparaissait pas, malgré qu’il en eut, absolument académique.

Margot s’en alla se faire payer. Elle se sentait vraiment mélancolique. Avoir passé une nuit blanche, pourchassée, seule, par le démon de la luxure, et s’être promis de l’amour à foison, pour finalement, et sans amour, se voir mettre à la porte du lieu où elle gagnait son pain, ce n’était pas une réussite.

Enfin elle sortit.

Comme elle descendait l’escalier, elle croisa un beau jeune homme, qui salua en s’effaçant, puis demanda aimablement :

— Vous avez l’air triste, mademoiselle ?

— Il y a de quoi, fit-elle.

— Comment cela ?

— Je viens de me faire mettre à la porte de la maison où l’on m’employait.

— Pourquoi cela ?

Elle rougit un peu, puis d’un air embarrassé :

— Le patron rentrait, comme…

— Vous faisiez quelque chose de défendu ?

— C’est le représentant, qui prétendait… m’embrasser.

— Et c’est pour si peu de chose que cet imbécile de type vous a flanquée dehors ?

— Mais oui.

— C’est le marchand d’oranges en béton ?

— Oui.

— Eh bien, moi je ne vends que des valeurs de Bourse.