Est-ce un spectre !…
Je connais cette voix, (apercevant Paul) je connais ce visage. (Marchant droit à Paul.) Morlaix !… Morlaix !… (S’égarant tout-à-fait, et répétant les dernières paroles de Morlaix.) Vos jours sont à moi, monsieur, et je pourrais les prendre ; mais je veux que vous viviez pour me pardonner comme je vous pardonne…
Mon père !
Madame, madame ! Achard fait demander le médecin et le prêtre du château ; il se meurt !
Faites répondre qu’ils sont occupés tous deux auprès du marquis.
ACTE QUATRIÈME.
Scène PREMIÈRE.
Avez-vous besoin d’autre chose, monsieur Achard ?
De rien.
Voulez-vous que j’envoie quelqu’un près de vous ?
Un prêtre.
Mais vous savez qu’à deux lieues à la ronde il n’y a que celui du château.
Alors, merci ; laissez-moi.
Au revoir, monsieur Achard !
Adieu.
Scène II
Le prêtre et le médecin sont occupés près du marquis. Ainsi Dieu nous appelle en même temps pour rendre le même compte : c’est justice céleste !… Mais est-ce justice humaine de me laisser mourir sans secours et sans consolation, et ne pourrions-nous partager ?… Lui, qui craint la mort, garder le médecin ; et à moi, qui suis las de la vie, m’envoyer le prêtre ?… Mais le prêtre… le prêtre !… il aurait entendu la confession ; il aurait reçu les papiers ! et la marquise !… Oh ! c’est elle, c’est cette femme qui me fait une mort solitaire et désespérée comme ma vie !… Quelques paroles de paix auraient cependant fait descendre tant de tranquillité sur ma dernière heure !… et l’adieu d’une voix consolatrice eût rendu si facile le passage de cette existence à l’autre !… (Il renverse la tête.) Dieu ne le veut pas ; résignons-nous à la volonté de Dieu !
Scène III
Mon père !
Oh ! c’est toi ! je n’espérais plus te revoir.
Avez-vous pu penser que, dès que j’apprendrais votre état…
Mais je ne savais où te chercher, moi, où te faire dire…
J’étais au château : j’ai tout appris, et je suis accouru. Mais comment êtes-vous seul, ici, sans secours ?
Ils m’ont refusé un médecin, ils m’ont refusé un prêtre !
Je puis monter à cheval, et dans une heure…
Dans une heure il serait trop tard. D’ailleurs, je le sens, un médecin maintenant serait inutile, un prêtre seul…