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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Quoique l’envie eût été satisfaite, l’enfant en fut marqué, comme on dit en termes de sage-femme : aussitôt qu’il put parler, il demanda un crayon ; à l’âge de quatre ans, tout posait déjà pour lui, chats, chiens, perroquets, ramoneurs, commissionnaires, porteurs d’eau.

À huit ans, on le mit au séminaire. — Dès lors, tout ce qui est costume lui plaît, tout ce qui est pompe ecclésiastique le ravit ; il est enfant de chœur, et, en servant et desservant l’autel, il croque sur un livre de messe, avec un crayon qu’il cache dans le creux de sa main, le bedeau, le chantre, le desservant.

Sa première idée est de ne pas quitter le séminaire, de se faire en même temps prêtre et peintre ; sa mère, jugeant peu compatibles avec les devoirs du prêtre les études que sera obligé de faire le peintre, le retire du séminaire.

L’enfant demande alors à aller dans un atelier. À ce désir, sa mère s’épouvante : on apprend tant de choses dans un atelier, que la peinture est quelquefois la dernière chose qu’on y apprend, et, cependant, son orgueil maternel la sollicite ; avec ces dispositions, l’enfant ne peut manquer d’être un grand artiste.

En attendant qu’il grandisse, où le mettre ? — Bon ! la chose est trouvée ! — Chez un chimiste ; c’est un terme moyen ; il y apprendra la composition des couleurs.

Bientôt, il a chez sa mère un laboratoire et un atelier de mécanique. Dans le laboratoire, il fait de la chimie : dans l’atelier, des machines hydrauliques : il a en lui les dispositions d’Agrippa, gendre d’Auguste.

Une nuit, sa mère entend un bruit faible, mais étrange, dans sa chambre : quelque chose comme un murmure, comme une plainte, comme un gazouillement.

Elle se lève, marche devant elle, et, à mesure qu’elle avance vers le centre de sa chambre, se sent mouiller par une pluie fine ; elle recule, allume une bougie, et, après avoir senti l’effet, découvre la cause.

L’enfant a fait des expériences sur cette vérité physique, que l’eau tend à reprendre son niveau ; il a établi un bassin