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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

Puis, chose merveilleuse ! chacun d’eux rêvait une gloire plus grande : de copistes, ils s’étaient faits graveurs ; de graveurs, ils résolurent de se faire peintres.

Ce ne fut plus d’après des dessins qu’ils essayèrent leurs eaux-fortes : ce fut d’après de charmants petits tableaux qu’à ce salon de 1831, — si remarquable, que voilà deux ou trois fois que nous y revenons, — ils exposèrent dans des passe-partout, lesquels furent placés, je me le rappelle, dans l’encadrement d’une fenêtre de la grande galerie à gauche. Il y avait vingt-quatre compositions.

À partir de ce moment, chacun d’eux fut à la fois peintre et graveur.

Suivons Alfred ; nous reviendrons plus tard à Tony.

En 1831, Alfred fait son premier grand tableau de chevalet : l’Arrestation de Jean Crespière. Ce fut un succès.

La même année, il achève Don Juan naufragé, et une scène de Cinq-Mars.

En 1832 et 1833, il donne l’Annonce de la Victoire de Hastenbeck pour la galerie du roi Louis-Philippe, et l’Entrée de mademoiselle de Montpensier, pendant la Fronde, à Orléans ;

En 1834, François Ier et Charles-Quint ;

En 1835, le Courrier Vernet saigné et pansé par le roi Louis-Philippe, — Henri II, Catherine de Médicis et leurs enfants ;

En 1836, Marie Stuart quittant l’Écosse, — Anne d’Este, duchesse de Guise se présentant à la cour de Charles IX, — Saint Martin, — et la Bataille de Saint-Jacques.

Mais déjà, depuis deux ans, la nature était épuisée chez Alfred ; elle succomba sous un dernier effort. Il connaissait son état, il savait que, lorsque l’aiguille du temps s’arrêterait sur les premiers mois de l’hiver de 1837, l’heure de l’éternité sonnerait pour lui.

Aussi les dix-huit derniers mois de sa vie sont prodigieux d’activité : tableaux, vignettes, aquarelles, eaux-fortes, gravures au burin, dessins au crayon, à la plume, à l’encre de Chine, il entreprend tout, presse tout, active tout. Une vie