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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

a propension à suivre ce sentier, qui lui permet de voir et de courir plus facilement.

Trois chevreuils poussés par les traqueurs suivaient le sentier, et venaient droit sur moi. Tony Johannot, qui les avait hors de portée, s’exterminait à me faire des signes, croyant que je ne les voyais pas.

Je les voyais parfaitement, mais je m’étais logé dans la tête l’idée assez ambitieuse de les tuer tous les trois de mes deux coups.

Tony, qui ne comprenait rien à mon inaction, redoublait de signes.

Je laissais toujours s’avancer les trois chevreuils.

Enfin, à trente pas de moi, à peu près, ils s’arrêtèrent court et écoutant, admirablement placés ; deux croisaient leurs cous fins et élégants, regardant, l’un à droite, l’autre à gauche ; le troisième se tenait un peu en arrière, caché par les deux premiers.

J’envoyai un coup de fusil aux deux premiers, qui roulèrent sur le coup.

Le troisième sauta le fossé, mais pas si vite, que je n’eusse le temps de lui envoyer mon second coup. Puis je restai en place afin de recharger mon fusil, ne voulant pas déranger toute la chasse pour moi.

En effet, un instant après, un chevreuil passa à Gondon, qui le tua.

À voir mon immobilité après mes deux coups, mes compagnons crurent que j’avais manqué.

Cependant, Géniole, qui était à ma gauche, et Tony, qui était à ma droite, se demandaient ce que les chevreuils étaient devenus.

L’énigme leur fut expliquée par les rabatteurs, qui, à trente pas de moi, trouvèrent les trois chevreuils morts : deux dans le chemin, — ils n’avaient pas bougé ! — l’autre à quatre pas, dans le taillis.

Le soir, en rentrant, à la nuit tombante, un dernier chevreuil mal inspiré nous partit dans une espèce de clairière.

Le soleil, un peu dégagé des nuages, se couchait dans un