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MÉMOIRES D’ALEX. DUMAS

CCXXXI

Premier mot sur la Tour de Nesle et M. Frédéric Gaillardet. — La Revue des Deux Mondes. — M. Buloz. — Le Journal des Voyages. — Mes premiers essais dans le roman historique. — Isabel de Bavière. — Un homme d’esprit de cinq pieds neuf pouces.

Abandonnons l’Italie — où nous retournerons au reste bientôt — et revenons aux pièces que, par un innocent subterfuge, comme dirait un auteur moral, je devais faire jouer dans la capitale de Son Altesse impériale le grand-duc de Toscane.

Il y en avait déjà deux de jouées à Paris au mois d’avril 1832, où nous sommes arrivés : Antony et Richard ; mais il en restait deux à faire : la Tour de Nesle et Angèle.

Dieu me garde, au moment où j’en serai à la naissance de la première de ces pièces, de rien dire ou faire qui puisse réveiller les susceptibilités endormies de M. Gaillardet ! J’ai, depuis le 2 juin 1832, c’est-à-dire depuis vingt-cinq ans passés, fait quelque chose comme quarante drames et huit cents volumes ; on comprendra donc que je n’ai aucun intérêt à réclamer une paternité de plus ou de moins. Mais l’affaire a fait tant de bruit à cette époque, elle s’est dénouée si ostensiblement, que je n’ai presque pas le droit de la passer sous silence ; seulement, quand nous en serons là, je promets de ne citer que des faits dont j’aurai la preuve, et de dépouiller ces faits de tout sentiment de haine ou d’agression.

Depuis ce temps, M. Gaillardet a quitté la France pour l’Amérique, Paris pour la Nouvelle-Orléans. À ma grande joie, il a, m’a-t-on dit, fait fortune là-bas ; à ma plus grande joie encore, mes livres, à ce qu’on m’assure, n’ont pas été étrangers à sa fortune. — Tant mieux ! — Heureux celui à qui la Providence fait un doux repos, et permet, au tiers de la vie à peine, après un début brillant, de jeter la plume, et de se reposer sur des lauriers français, les plus enviés de tous