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— Lequel ?

— C’est que ma maîtresse va s’embarquer pour l’Angleterre.

— Diable voilà en quoi justement vous pouvez m’être utile : décidez-la.

— À quoi ?

— À prendre la route opposée.

— Vous ne connaissez pas ma maîtresse, Monsieur ; c’est une femme qui tient à ses idées ; d’ailleurs, ce n’est pas le tout qu’elle aille en France au lieu d’aller à Londres. Une fois à Château-Thierry, croyez-vous qu’elle cède aux désirs du prince ?

— Pourquoi pas ?

— Elle n’aime pas le duc d’Anjou.

— Bah ! on aime toujours un prince du sang.

— Mais comment monseigneur le duc d’Anjou, s’il soupçonne ma maîtresse d’aimer M. le comte du Bouchage ou M. le duc de Joyeuse, a-t-il eu l’idée de l’enlever à celui qu’elle aime ?

— Bonhomme, dit Aurilly, tu as des idées triviales, et nous aurons de la peine à nous entendre, à ce que je vois ; aussi je ne discuterai pas : j’ai préféré la douceur à la violence, et maintenant, si tu me forces à changer de conduite, eh bien ! soit, j’en changerai.

— Que ferez-vous ?

— Je te l’ai dit, j’ai plein pouvoir du prince. Je te tuerai dans quelque coin, et j’enlèverai la dame.

— Vous croyez à l’impunité ?

— Je crois à tout ce que mon maître me dit de croire. Voyons, décideras-tu ta maîtresse à venir en France ?

— J’y tâcherai ; mais je ne puis répondre de rien.

— Et quand aurai-je la réponse ?

— Le temps de monter chez elle et de la consulter.

— C’est bien ; monte, je t’attends.

— J’obéis, Monsieur.