Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/90

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Que je pardonne ou non, Madame, dit Ernauton, c’est tout un, quant à cette lettre, puisque vous ne me demandez votre pardon que pour la lire, et que madame de Montpensier seule la lira…

— Eh ! malheureux insensé que tu es, s’écria la duchesse avec une fureur pleine de majesté, ne me reconnais-tu pas, ou plutôt ne me devines-tu pas pour la maîtresse suprême, et vois-tu ici briller les yeux d’une servante ? Je suis la duchesse de Montpensier ; cette lettre, remets-la-moi,

— Vous êtes la duchesse ! s’écria Ernauton en reculant épouvanté.

— Eh ! sans doute. Allons, allons, donne ; ne vois-tu pas que j’ai hâte de savoir ce qui est arrivé à mon frère ?

Mais, au lieu d’obéir, comme s’y attendait la duchesse, le jeune homme, revenu de sa première surprise, se croisa les bras.

— Comment voulez-vous que je croie à vos paroles, dit-il, vous dont la bouche m’a déjà menti deux fois ?

Ces yeux, que la duchesse avait déjà invoqués à l’appui de ses paroles, lancèrent deux éclairs mortels ; mais Ernauton en soutint bravement la flamme.

— Vous doutez encore ! Il vous faut des preuves quand j’affirme ! s’écria la femme impérieuse en déchirant à beaux ongles ses manchettes de dentelles.

— Oui, Madame, répondit froidement Ernauton.

L’inconnue se précipita vers un timbre qu’elle pensa briser, tant fut violent le coup dont elle le frappa.

La vibration retentit stridente par tous les appartements, et avant que cette vibration fût éteinte un valet parut.

— Que veut Madame ? demanda le valet.

L’inconnue frappa du pied avec rage.

— Mayneville, dit-elle, je veux Mayneville. N’est-il donc pas ici ?

— Si fait, Madame.

— Eh bien ! qu’il vienne donc alors !