Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je vous obéirai, Madame, dit Ernauton, et puisque vous me congédiez, je me retire.

Cette fois la dame s’irrita tout de bon.

— Oui-da ! dit-elle ; mais si vous me connaissez, moi, je ne vous connais pas, vous. Ne me semble-t-il pas dès lors que vous avez sur moi trop d’avantages ? Ah ! vous croyez qu’il suffit d’entrer, sous un prétexte quelconque, chez une princesse quelconque, car vous êtes ici chez madame de Montpensier, Monsieur, et de dire : j’ai réussi dans ma perfidie, je me retire. Monsieur, ce trait-là n’est pas d’un galant homme.

— Il me semble, Madame, dit Ernauton, que vous qualifiez bien durement ce qui serait tout au plus une supercherie d’amour, si ce n’était, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, une affaire de la plus haute importance et de la plus pure vérité. Je néglige de relever vos dures expressions, Madame, et j’oublie absolument tout ce que j’ai pu vous dire d’affectueux et de tendre, puisque vous êtes si mal disposée à mon égard. Mais je ne sortirai pas d’ici sous le poids des fâcheuses imputations que vous me faites subir. J’ai en effet une lettre de M. de Mayenne à remettre à madame de Montpensier, et cette lettre la voici, elle est écrite de sa main, comme vous pouvez le voir à l’adresse.

Ernauton tendit la lettre à la dame, mais sans la quitter.

L’inconnue y jeta les yeux et s’écria :

— Son écriture ! du sang !

Sans rien répondre, Ernauton remit la lettre dans sa poche, salua une dernière fois avec sa courtoisie habituelle, et pâle, la mort dans le cœur, il retourna vers l’entrée de la salle.

Cette fois on courut après lui, et, comme Joseph, on le saisit par son manteau.

— Plaît-il, Madame ? dit-il.

— Par pitié, Monsieur, pardonnez ! s’écria la dame, pardonnez ; serait-il arrivé quelque accident au duc ?