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comme on dit au Palais, les moindres détails de l’affaire ? Eh bien ! cette personne, Monsieur, c’était moi, moi, la confidente intime de Son Altesse. Maintenant, voyons, croyez-vous que je puisse aller en Grève avec des habits de femme ? Croyez-vous enfin que je pusse rester indifférente, maintenant que vous connaissez ma position près de la duchesse, aux souffrances du patient et à ses velléités de révélations ?

— Vous avez parfaitement raison, Madame, dit Ernauton en s’inclinant, et maintenant, je vous le jure, j’admire autant votre esprit et votre logique que, tout à l’heure, j’admirais votre beauté.

— Grand merci, Monsieur. Or, à présent que nous nous connaissons l’un et l’autre, et que voilà les choses bien expliquées entre nous, donnez-moi la lettre, puisque la lettre existe et n’est point un simple prétexte.

— Impossible, Madame.

L’inconnue fit un effort pour ne pas s’irriter.

— Impossible ? répéta-t-elle.

— Oui, impossible, car j’ai juré à M. le duc de Mayenne de ne remettre cette lettre qu’à madame la duchesse de Montpensier elle-même.

— Dites plutôt, s’écria la dame, commençant à s’abandonner à son irritation, dites plutôt que cette lettre n’existe pas ; dites que, malgré vos prétendus scrupules, cette lettre n’a été que le prétexte de votre entrée ici ; dites que vous vouliez me revoir, et voilà tout. Eh bien ! Monsieur, vous êtes satisfait : non-seulement vous êtes entré ici, non-seulement vous m’avez revue, mais encore vous m’avez dit que vous m’adoriez.

— En cela comme dans tout le reste, Madame, je vous ai dit la vérité.

— Eh bien ! soit, vous m’adorez, vous m’avez voulu voir, vous m’avez vue, je vous ai procuré un plaisir en échange d’un service. Nous sommes quittes, adieu !