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— Volontiers.

Et Ernauton tira de sa poitrine la lettre de M. de Mayenne

— Oh ! oh ! quelle encre singulière ! fit le portier.

— C’est du sang, répliqua flegmatiquement Ernauton.

Le serviteur pâlit à ces mots, et plus encore sans doute à cette idée que ce sang pouvait être celui de M. de Mayenne.

En ce temps, il y avait disette d’encre, mais grande abondance de sang versé ; il en résultait que souvent les amants écrivaient à leurs maîtresses, et les parents à leurs familles, avec le liquide le plus communément répandu.

— Monsieur, dit le serviteur avec grand’hâte, j’ignore si vous trouverez à Paris ou dans les environs de Paris madame la duchesse de Montpensier ; mais, en tout cas, veuillez vous rendre sans retard à une maison du faubourg Saint-Antoine qu’on appelle Bel-Esbat et qui appartient à madame la duchesse ; vous la reconnaîtrez, vu qu’elle est la première à main gauche en allant à Vincennes, après le couvent des Jacobins ; très-certainement vous trouverez là quelque personne au service de madame la duchesse et assez avancée dans son intimité pour qu’elle puisse vous dire où madame la duchesse se trouve en ce moment.

— Fort bien, dit Ernauton, qui comprit que le serviteur n’en pouvait ou n’en voulait pas dire davantage, merci.

— Au faubourg Saint-Antoine, insista le serviteur : tout le monde connaît et vous indiquera Bel-Esbat, quoiqu’on ignore peut-être qu’il appartient à madame de Montpensier, madame de Montpensier ayant acheté cette maison depuis peu de temps, et pour se mettre en retraite.

Ernauton fit un signe de tête et tourna vers le faubourg Saint-Antoine.

Il n’eut aucune peine à trouver, sans demander même aucun renseignement, cette maison de Bel-Esbat, contiguë au prieuré des Jacobins.

Il agita la clochette, la porte s’ouvrit.

— Entrez, lui dit-on.