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Un cri de joie partit du groupe des cavaliers qui, en voyant tomber Chicot, crurent Chicot mort.

— Je vous le disais bien, imbéciles, dit en accourant au galop un homme masqué ; vous avez tout manqué, parce qu’on n’a pas suivi mes ordres à la lettre. Cette fois le voici à bas : mort ou vif, qu’on le fouille, et s’il bouge qu’on l’achève.

— Oui, Monsieur, répliqua respectueusement un des hommes de la foule.

Et chacun mit pied à terre, à l’exception d’un soldat qui réunit toutes les brides et garda tous les chevaux.

Chicot n’était pas précisément un homme pieux ; mais, dans un pareil moment, il songea qu’il y a un Dieu, que ce Dieu lui ouvrait les bras, et qu’avant cinq minutes peut-être le pécheur serait devant son juge.

Il marmotta quelque sombre et fervente prière qui fut certainement entendue là-haut.

Deux hommes s’approchèrent de Chicot ; tous deux avaient l’épée à la main.

On voyait bien que Chicot n’était pas mort, à la façon dont il gémissait.

Comme il ne bougeait pas et ne s’apprêtait en rien à se défendre, le plus zélé des deux eut l’imprudence de s’approcher à portée de la main gauche ; aussitôt la dague, poussée comme par un ressort, entra dans sa gorge, où la coquille s’imprima comme sur de la cire molle. En même temps la moitié de l’épée que tenait la main droite de Chicot disparut dans les reins du second cavalier, qui voulait fuir.

— Tudieu ! cria le chef, il y a trahison : chargez les arquebuses ; le drôle est bien vivant encore.

— Certes oui, je suis encore vivant, dit Chicot, dont les yeux lancèrent des éclairs ; et, prompt comme la pensée, il se jeta sur le cavalier chef, lui portant la pointe au masque.