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— Cependant, dit une voix inquiète, ce soir on a cru remarquer dans le camp des préparatifs d’attaque.

— Soupçons sans certitude, reprit le bourgmestre. J’ai moi-même examiné le camp avec une excellente lunette qui vient de Strasbourg : les canons paraissaient cloués au sol, les hommes se préparaient au sommeil sans aucune émotion, M. le duc d’Anjou donnait à dîner dans sa tente.

L’inconnu jeta un nouveau regard sur le prince d’Orange. Cette fois il lui sembla qu’un léger sourire crispait la lèvre du Taciturne, tandis que, d’un mouvement à peine visible, ses épaules dédaigneuses accompagnaient ce sourire.

— Eh ! Messieurs, dit l’inconnu, vous êtes dans l’erreur complète ; ce n’est point une attaque furtive qu’on vous prépare en ce moment, c’est un bel et bon assaut que vous allez essuyer.

— Vraiment ?

— Vos plans, si naturels qu’ils vous paraissent, sont incomplets.

— Cependant, Monseigneur… firent les bourgeois, humiliés que l’on parût douter de leurs connaissances en stratégie.

— Incomplets, reprit l’inconnu, en ceci, que vous vous attendez à un choc, et que vous avez pris toutes vos précautions pour cet événement.

— Sans doute.

— Eh bien ! ce choc, Messieurs, si vous m’en croyez…

— Achevez, Monseigneur.

— Vous ne l’attendrez pas, vous le donnerez.

— À la bonne heure ! s’écria le prince d’Orange, voilà parler.

— En ce moment, continua l’inconnu, qui comprit dès lors qu’il allait trouver un appui dans le prince, les vaisseaux de M. de Joyeuse appareillent.

— Comment savez-vous cela, Monseigneur ? s’écrièrent tous ensemble le bourgmestre et les autres membres du conseil.