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— Nous attendions Monseigneur pour le lui communiquer, répondit le bourgmestre.

— Dites, Messieurs, dites.

— Monseigneur est arrivé un peu tard, ajouta le prince, et, en l’attendant, j’ai dû agir.

— Et vous avez bien fait, Monseigneur ; d’ailleurs on sait que, lorsque vous agissez, vous agissez bien. Moi non plus, croyez-le bien, je n’ai point perdu mon temps en route.

Puis, se retournant du côté des bourgeois :

— Nous savons par nos espions, dit le bourgmestre, qu’un mouvement se prépare dans le camp des Français ; ils se disposent à une attaque ; mais comme nous ne savons de quel côté l’attaque aura lieu, nous avons fait disposer le canon de telle sorte qu’il soit partagé avec égalité sur toute l’étendue du rempart.

— C’est sage, répondit l’inconnu avec un léger sourire, et regardant à la dérobée le Taciturne qui se taisait, laissant, lui homme de guerre, parler de guerre tous les bourgeois.

— Il en a été de même de nos troupes civiques, continua le bourgmestre, elles sont réparties par postes doubles sur toute l’étendue des murailles, et ont ordre de courir à l’instant même au point d’attaque.

L’inconnu ne répondit rien ; il semblait attendre que le prince d’Orange parlât à son tour.

— Cependant, continua le bourgmestre, l’avis du plus grand nombre des membres du conseil est qu’il semble impossible que les Français méditent autre chose qu’une feinte.

— Et dans quel but cette feinte ? demanda l’inconnu.

— Dans le but de nous intimider et de nous amener à un arrangement à l’amiable qui livre la ville aux Français.

L’inconnu regarda de nouveau le prince d’Orange : on eût dit qu’il était étranger à tout ce qui se passait, tant il écoutait toutes ces paroles avec une insouciance qui triait du dédain.