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offrit la main. Le prince serra cette main avec affection, et presque avec respect.

Ils s’appelèrent monseigneur l’un l’autre.

Après ce bref échange de civilités, l’inconnu se débarrassa de son manteau.

Il était vêtu d’un pourpoint de buffle, portait des chausses de drap et de longues bottes de cuir.

Il était armé d’une longue épée qui semblait faire partie, non de son costume, mais de ses membres, tant elle jouait avec aisance à son côté ; une petite dague était passée à sa ceinture, près d’une aumônière gonflée de papiers.

Au moment où il rejeta son manteau, on put voir ces longues bottes, dont nous avons parlé, toutes souillées de poussière et de boue.

Ses éperons, rougis du sang de son cheval, ne rendaient plus qu’un son sinistre à chaque pas qu’il faisait sur les dalles.

Il prit place à la table du conseil.

— Eh bien ! où en sommes-nous, Monseigneur ? demanda-t-il.

— Monseigneur, répondit le Taciturne, vous avez dû voir en venant jusqu’ici que les rues étaient barricadées.

— J’ai vu cela.

— Et les maisons crénelées, ajouta un officier.

— Quant à cela, je n’ai pu le voir ; mais c’est d’une bonne précaution.

— Et les chaînes doublées, dit un autre.

— À merveille, répliqua l’inconnu d’un ton insouciant.

— Monseigneur n’approuve point ces préparatifs de défense ? demanda une voix avec un accent sensible d’inquiétude et de désappointement.

— Si fait, dit l’inconnu, mais cependant je ne crois pas que, dans les circonstances où nous nous trouvons, elles soient fort utiles ; elles fatiguent le soldat et inquiètent le bourgeois. Vous avez un plan d’attaque et de défense, je suppose ?