Page:Dumas - Les Quarante-Cinq, 1888, tome 2.djvu/320

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vers sera prise et brûlée quand il arrivera : la ville, alors, pourra juger de la différence qui existe, sous ce rapport, entre les Français et les Espagnols.

Ces paroles n’étaient point faites pour rassurer MM. les officiers civils, aussi se regardèrent-ils avec beaucoup d’émotion.

En ce moment, un espion qu’on avait envoyé sur la route de Malines, et qui avait poussé son cheval jusqu’à Saint-Nicolas, revint en annonçant qu’il n’avait rien vu ni entendu qui annonçât le moins du monde la venue de la personne que l’on attendait.

— Messieurs, s’écria le Taciturne à cette nouvelle, vous le voyez, nous attendrions inutilement ; faisons nous-mêmes nos affaires ; le temps nous presse, et les campagnes ne sont garanties en rien. Il est bon d’avoir confiance en des talents supérieurs ; mais vous voyez qu’avant tout c’est sur soi-même qu’il faut se reposer. Délibérons donc, Messieurs.

Il n’avait point achevé, que la portière de la salle se souleva et qu’un valet de la ville apparut et prononça ce seul mot qui, dans un pareil moment, paraissait en valoir mille autres :

— Monseigneur !

Dans l’accent de cet homme, dans cette joie qu’il n’avait pu s’empêcher de manifester en accomplissant son devoir d’huissier, on pouvait lire l’enthousiasme du peuple et toute sa confiance en celui qu’on appelait de ce nom vague et respectueux :

« Monseigneur ! »

À peine le son de cette voix tremblante d’émotion s’était-il éteint, qu’un homme d’une taille élevée et impérieuse, portant avec une grâce suprême le manteau qui l’enveloppait tout entier, entra dans la salle, et salua courtoisement ceux qui se trouvaient là.

Mais au premier regard son œil fier et perçant démêla le prince au milieu des officiers. Il marcha droit à lui et lui