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nifestation du duc d’Anjou contre la ville pour rompre avec lui. Le duc d’Anjou en arrivait où le Taciturne avait voulu l’amener et celui-là voyait avec joie ce nouveau compétiteur à la souveraine puissance se perdre comme les autres.

Le soir même où le duc d’Anjou s’apprêtait à attaquer, comme nous l’avons vu, le prince d’Orange, qui était depuis deux jours dans la ville, tenait conseil avec le commandant de la place pour les bourgeois.

À chaque objection faite par le gouverneur au plan offensif du prince d’Orange, si cette objection pouvait amener du retard dans les plans, le prince d’Orange secouait la tête comme un homme surpris de cette incertitude.

Mais, à chaque hochement de tête, le commandant de la place répondait :

— Prince, vous savez que c’est chose convenue que Monseigneur doit venir : attendons donc Monseigneur.

Ce mot magique faisait froncer le sourcil au Taciturne ; mais, tout en fronçant le sourcil et en rongeant ses ongles d’impatience, il attendait.

Alors chacun attachait ses yeux sur une large horloge aux lourds battements, et semblait demander au balancier d’accélérer la venue du personnage attendu si impatiemment.

Neuf heures du soir sonnèrent : l’incertitude était devenue une anxiété réelle ; quelques vedettes prétendaient avoir aperçu du mouvement dans le camp français.

Une petite barque plate comme le bassin d’une balance avait été expédiée sur l’Escaut ; les Anversois, moins inquiets encore de ce qui se passait du côté de la terre que de ce qui se passait du côté de la mer, avaient désiré avoir des nouvelles précises de la flotte française : la petite barque n’était point revenue.

Le prince d’Orange se leva, et, mordant de colère ses gants de buffle, il dit aux Anversois :

— Monseigneur nous fera tant attendre, Messieurs, qu’An-