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devant la grande, parce qu’elle se défend, ou plutôt parce qu’elle menace de se défendre.

— Et Votre Altesse a tort : mieux vaut reculer sur un terrain sûr que de trébucher dans un fossé en continuant de marcher en avant.

— Soit, je trébucherai, mais je ne reculerai pas.

— Votre Altesse fera ici comme elle voudra, dit Joyeuse en s’inclinant, et nous, de notre côté, nous ferons comme voudra Son Altesse ; nous sommes ici pour lui obéir.

— Ce n’est pas répondre, duc.

— C’est cependant la seule réponse que je puisse faire à Votre Altesse.

— Voyons, prouvez-moi que j’ai tort ; je ne demande pas mieux que de me rendre à votre avis.

— Monseigneur, voyez l’armée du prince d’Orange, elle était vôtre, n’est-ce pas ? Eh bien, au lieu de camper avec vous devant Anvers, elle est dans Anvers, ce qui est bien différent ; voyez le Taciturne, comme vous l’appelez vous-même : il était votre ami et votre conseiller, non-seulement vous ne savez pas ce qu’est devenu le conseiller, mais encore vous croyez être sûr que l’ami s’est changé en ennemi ; voyez les Flamands : lorsque vous étiez en Flandre, ils pavoisaient leurs barques et leurs murailles en vous voyant arriver ; maintenant ils ferment leurs portes à votre vue et braquent leurs canons à votre approche, ni plus ni moins que si vous étiez le duc d’Albe. Eh bien ! je vous le dis : Flamands et Hollandais, Anvers et Orange n’attendent qu’une occasion de s’unir contre vous, et ce moment sera celui où vous crierez feu à votre maître d’artillerie.

— Eh bien ! répondit le duc d’Anjou, on battra du même coup Anvers et Orange, Flamands et Hollandais.

— Non, Monseigneur, parce que nous avons juste assez de monde pour donner l’assaut à Anvers, en supposant que nous n’ayons affaire qu’aux Anversois, et que tandis que nous donnerons l’assaut, le Taciturne tombera sur nous