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pagnols par vous, et vous par les Espagnols ; M. le prince d’Orange, qui vous remplacera, qui vous succédera, s’il ne vous remplace et vous succède déjà ; le prince d’Orange… Eh ! Monseigneur, jusqu’à présent, en suivant les conseils du prince d’Orange, vous n’avez fait qu’indisposer les Flamands. Vienne un revers, et tous ceux qui n’osent vous regarder en face courront après vous comme ces chiens timides qui ne courent qu’après les fuyards.

— Quoi ! vous supposez que je puisse être battu par des marchands de laine, par des buveurs de bière ?

— Ces marchands de laine, ces buveurs de bière ont donné fort à faire au roi Philippe de Valois, à l’empereur Charles V, et au roi Philippe II, qui étaient trois princes d’assez bonne maison, Monseigneur, pour que la comparaison ne puisse pas vous être trop désagréable.

— Ainsi vous craignez un échec ?

— Oui, Monseigneur, je le crains.

— Vous ne serez donc pas là, monsieur de Joyeuse ?

— Pourquoi donc n’y serais-je point ?

— Parce que je m’étonne que vous doutiez à ce point de votre propre bravoure, que vous vous voyiez déjà en fuite devant les Flamands ; en tous cas, rassurez-vous : ces prudents commerçants ont l’habitude, quand ils marchent au combat, de s’affubler de trop lourdes armures pour qu’ils aient la chance de vous atteindre, courussent-ils après vous.

— Monseigneur, je ne doute pas de mon courage ; Monseigneur, je serai au premier rang, mais je serai battu au premier rang, tandis que d’autres le seront au dernier, voilà tout.

— Mais enfin votre raisonnement n’est pas logique, monsieur de Joyeuse : vous approuvez que j’aie pris les petites places.

— J’approuve que vous preniez ce qui ne se défend point.

— Eh bien ! après avoir pris les petites places qui ne se défendaient pas, comme vous dites, je ne reculerai point