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Chicot crie et vocifère

— Au secours !

Enfin, Chicot fait tant de bruit à lui tout seul, que les éléments se calment, comme si Neptune en personne avait prononcé le fameux Quos ego, et qu’après six ou huit minutes, pendant lesquelles Eurus, Notus, Boréas, Aquilo semblent battre en retraite, l’hôte reparaît avec une lanterne et vient éclairer le drame.

La scène sur laquelle il venait de se jouer présentait un aspect déplorable, et qui ressemblait fort à celui d’un champ de bataille. La grande armoire, renversée sur la table broyée, démasquait la porte sans gonds et qui, retenue seulement par un de ses verrous, oscillait comme une voile de navire ; les trois ou quatre chaises qui complétaient l’ameublement avaient le dos renversé et les pieds en l’air ; enfin les faïences qui garnissaient la table gisaient éclopés et étoilés sur les dalles.

— Mais, c’est donc ici l’enfer ! s’écria Chicot en reconnaissant son hôte à la lueur de sa lanterne.

— Oh ! Monsieur, s’écria l’hôte en apercevant l’affreux dégât qui venait d’être consommé, oh ! Monsieur, qu’est-il donc arrivé ?

Et il leva les mains et par conséquent sa lanterne au ciel.

— Combien y a-t-il de démons logés chez vous, dites-moi, mon ami ? hurla Chicot.

— Oh ! Jésus ! quel temps ! répondit l’hôte avec le même geste pathétique.

— Mais les verrous ne tiennent donc pas ? continua Chicot ; la maison est donc de carton ? J’aime mieux sortir d’ici : je préfère la plaine.

Et Chicot se dégagea de la ruelle du lit, et apparut, l’épée à la main, dans l’espace demeuré libre entre le pied du lit et la muraille.

— Oh ! mes pauvres meubles ! soupira l’hôte.