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François faisait, dans toutes ces querelles, l’office de médiateur, mais non sans d’énormes difficultés ; il y avait des engagements pris avec les huguenots français : blesser ceux-ci, c’était se retirer l’appui moral des huguenots flamands, qui pouvaient l’aider dans Anvers.

D’un autre côté, brusquer les catholiques envoyés par le roi pour se faire tuer à son service, était pour le duc d’Anjou chose non-seulement impolitique, mais encore compromettante.

L’arrivée de ce renfort, sur lequel le duc d’Anjou lui-même ne comptait pas, avait bouleversé les Espagnols, et de leur côté les Lorrains en crevaient de fureur.

C’était bien quelque chose pour le duc d’Anjou que de jouir à la fois de cette double satisfaction. Mais le duc ne ménageait point ainsi tous les partis sans que la discipline de son armée en souffrît fort.

Joyeuse, à qui la mission n’avait jamais souri, on se le rappelle, se trouvait mal à l’aise au milieu de cette réunion d’hommes si divers de sentiments ; il sentait instinctivement que le temps des succès était passé. Quelque chose comme le pressentiment d’un grand échec courait dans l’air, et, dans sa paresse de courtisan comme dans son amour-propre de capitaine, il déplorait d’être venu de si loin pour partager une défaite.

Aussi trouvait-il en conscience et disait-il tout haut que le duc d’Anjou avait eu grand tort de mettre le siège devant Anvers. Le prince d’Orange, qui lui avait donné ce traître conseil, avait disparu depuis que le conseil avait été suivi, et l’on ne savait pas ce qu’il était devenu. Son armée était en garnison dans cette ville, et il avait promis au duc d’Anjou l’appui de cette armée ; cependant on n’entendait point dire le moins du monde qu’il y eût division entre les soldats de Guillaume et les Anversois, et la nouvelle d’un seul duel entre les assiégés n’était pas venue réjouir les assiégeants depuis qu’ils avaient assis leur camp devant la place.