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d’Anjou qu’un ennemi ; il paralysait l’exécution de tous les plans qui eussent pu lui donner un trop grand pouvoir ou une trop haute influence dans les Flandres.

Philippe II, en voyant cette entrée d’un prince français à Bruxelles, avait sommé le duc de Guise de venir à son aide, et cette aide, il la réclamait au nom d’un traité fait autrefois entre don Juan d’Autriche et Henri de Guise.

Les deux jeunes héros, qui étaient à peu près du même âge, s’étaient devinés, et, en se rencontrant et associant leurs ambitions, ils s’étaient engagés à se conquérir chacun un royaume.

Lorsqu’à la mort de son frère redouté, Philippe II trouva dans les papiers du jeune prince le traité signé par Henri de Guise, il ne parut pas en prendre d’ombrage. D’ailleurs, à quoi bon s’inquiéter de l’ambition d’un mort ? La tombe n’enfermait-elle pas l’épée qui pouvait vivifier la lettre ?

Seulement un roi de la force de Philippe II, et qui savait de quelle importance en politique peuvent être deux lignes écrites par certaines mains, ne devait pas laisser croupir dans une collection de manuscrits et d’autographes, attrait des visiteurs de l’Escurial, la signature de Henri de Guise, signature qui commençait à prendre tant de crédit parmi ces trafiquants de royauté qu’on appelait les Orange, les Valois, les Habsbourg et les Tudor.

Philippe II engagea donc le duc de Guise à continuer avec lui le traité fait avec don Juan, traité dont la teneur était que le Lorrain soutiendrait l’Espagnol dans la possession des Flandres, tandis que l’Espagnol aiderait le Lorrain à mener à bonne fin le conseil héréditaire que le cardinal avait jadis enté dans sa maison. Ce conseil héréditaire n’était autre chose que de ne point suspendre un instant le travail éternel qui devait conduire un beau jour les travailleurs à l’usurpation du royaume de France.

Guise acquiesça ; il ne pouvait guère faire autrement ; Philippe II menaçait d’envoyer un double du traité à Henri