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— Au feu ! Remy, au feu !

— Éloignez-vous alors.

— Moi ?

— Oui, du moins mettez ce masque de verre.

Et Remy présenta à Diane un masque, qu’elle appliqua sur son visage. Alors, appuyant lui-même sur sa bouche et sur son nez un large tampon de laine, il pressa le cordon du soufflet, aviva la flamme du charbon ; puis, quand le feu fut bien embrasé, il y versa les poudres qui éclatèrent en pétillements joyeux, les unes lançant des feux verts, les autres se volatilisant en étincelles pâles comme le soufre ; et les essences, qui, au lieu d’éteindre la flamme, montèrent comme des serpents de feu dans le conduit, avec des grondements pareils à ceux d’un tonnerre lointain. Enfin, quand tout fut consommé :

— Vous avez raison, Madame, dit Remy, si quelqu’un, maintenant, découvre le secret de cette cave, ce quelqu’un pensera qu’un alchimiste l’a habitée ; aujourd’hui, on brûle encore les sorciers, mais on respecte les alchimistes.

— Eh ! d’ailleurs, dit la dame, quand on nous brûlerait, Remy, ce serait justice, ce me semble : ne sommes-nous point des empoisonneurs ? et pourvu qu’au jour où je monterai sur le bûcher j’aie accompli ma tâche, je ne répugne pas plus à ce genre de mort qu’à un autre : la plupart des anciens martyrs sont morts ainsi.

Remy fit un geste d’assentiment, et reprenant sa fiole des mains de sa maîtresse, il l’empaqueta soigneusement. En ce moment on heurta à la porte de la rue.

— Ce sont vos gens. Madame, vous ne vous trompiez pas. Vite, remontez et répondez, tandis que je vais fermer la trappe.

La dame obéit. Une même pensée vivait tellement dans ces deux corps, qu’il eût été difficile de dire lequel des deux pliait l’autre sous sa domination.

Remy remonta derrière elle, et poussa le ressort ; le car-