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Pour toute légende, pour toute devise, on lisait sous ce portrait, en lettres rouges comme du sang :

Aut Cesar aut nihil.

La dame étendit le bras vers cette image, et lui adressant la parole comme elle eût fait à un Dieu :

« Je t’avais supplié d’attendre, quoique ton âme irritée dût être altérée de vengeance, dit-elle ; et comme les morts voient tout, ô mon amour, tu as vu que je n’ai supporté la vie que pour ne pas devenir parricide ; toi mort, j’eusse dû mourir ; mais en mourant, je tuais mon père.

« Et puis, tu le sais encore, sur ton cadavre sanglant j’avais fait un vœu, j’avais juré de payer la mort par la mort, le sang par la sang ; mais alors je chargeais d’un crime la tête blanchie du vénérable vieillard qui m’appelait son innocente enfant.

« Tu as attendu, merci, bien-aimé, tu as attendu, et maintenant je suis libre ; le dernier lien qui m’enchaînait à la terre vient d’être brisé par le Seigneur, au Seigneur grâces soient rendues. Je suis tout à toi : plus de voiles, plus d’embûches, je puis agir au grand jour, car, maintenant, je ne laisserai plus personne après moi sur la terre, j’ai le droit de la quitter. »

Elle se releva sur un genou et baisa la main qui semblait pendre hors du cadre.

« Tu me pardonnes, ami, dit-elle, d’avoir les yeux arides, c’est en pleurant sur ta tombe que mes yeux se sont desséchés, ces yeux que tu aimais tant.

« Dans peu de mois j’irai te rejoindre, et tu me répondras enfin, chère ombre à qui j’ai tant parlé sans jamais obtenir de réponse. »

À ces mots, Diane se releva respectueusement, comme si elle eût fini de converser avec Dieu ; elle alla s’asseoir sur sa stalle de chêne.

— Pauvre père ! murmura-t-elle d’un ton froid et avec