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À la vue d’Ernauton, elle s’essuya les yeux comme si elle avait abondamment pleuré, et jetant ses deux bras au cou du jeune homme, elle lui demanda pardon, malgré tous les efforts de son mari, qui prétendait que, n’ayant aucun tort, sa femme n’avait aucun pardon à demander.

La bonne hôtelière n’était point assez désagréable pour que Carmainges, eût-il à se plaindre d’elle, lui tînt obstinément rancune ; il assura donc dame Fournichon qu’il n’avait contre elle aucun levain de rancune, et que son vin seul était coupable.

Ce fut un avis que le mari parut comprendre, et dont par un signe de tête il remercia Ernauton.

Pendant que ces choses se passaient à la porte, tout le monde était à table, et l’on causait chaleureusement de l’événement qui faisait sans contredit le point culminant de la soirée. Beaucoup donnaient tort à Sainte-Maline avec cette franchise qui est le principal caractère des Gascons lorsqu’ils causent entre eux.

Plusieurs s’abstenaient, voyant le sourcil froncé de leur compagnon et sa lèvre crispée par une réflexion profonde.

Au reste, on n’en attaquait point avec moins d’enthousiasme le souper de maître Fournichon, mais on philosophait en l’attaquant, voilà tout.

— Quant à moi, disait tout haut M. Hector de Biran, je sais que M. de Sainte-Maline est dans son tort, et que si je me fusse appelé un instant Ernauton de Carmainges, M. de Sainte-Maline serait à cette heure couché sous cette table au lieu d’être assis devant.

Sainte-Maline leva la tête et regarda Hector de Biran.

— Je dis ce que je dis, répondit celui-ci, et, tenez, voilà là-bas sur le seuil de la porte quelqu’un qui paraît être de mon avis.

Tous les regards se tournèrent vers l’endroit indiqué par le jeune gentilhomme, et l’on aperçut Carmainges pâle et debout dans le cadre formé par la porte.