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sée de cet homme, où lui-même peut-être ne pouvait lire dans ses moments de colère.

Toujours est-il que son bras s’abattit sur le couple, et que la lame de son poignard, au lieu d’entamer la poitrine d’Ernauton, fendit la coiffe de soie de la duchesse et trancha un des cordons du masque.

Le masque tomba à terre.

Le mouvement de Sainte-Maline avait été si prompt, que, dans l’ombre, nul n’avait pu s’en rendre compte, nul n’avait pu s’y opposer.

La duchesse jeta un cri. Son masque l’abandonnait et, le long de son cou, elle avait senti glisser le dos arrondi de la lame, qui cependant ne l’avait pas blessée.

Sainte-Maline eut donc, tandis qu’Ernauton s’inquiétait de ce cri poussé par la duchesse, tout le temps de ramasser le masque et de le lui rendre, de sorte qu’à la lueur de la bougie de Montcrabeau il put voir le visage de la jeune femme, que rien ne protégeait.

— Ah ! ah ! dit-il de sa voix railleuse et insolente, c’est la belle dame de la litière : mes compliments, Ernauton, vous allez vite en besogne.

Ernauton s’arrêtait et avait déjà tiré à moitié du fourreau son épée, qu’il se repentait d’y avoir remise, lorsque la duchesse l’entraîna par les degrés en lui disant tout bas :

— Venez, venez, je vous en supplie, monsieur de Carmainges.

— Je vous reverrai, monsieur de Sainte-Maline, dit Ernauton en s’éloignant, et, soyez tranquille, vous me payerez cette lâcheté avec les autres.

— Bien, bien ! fit Sainte-Maline ; tenez votre compte de votre côté, je tiens le mien ; nous les réglerons tous deux un jour.

Carmainges entendit, mais ne se retourna même point, il était tout entier à la duchesse.

Arrivé au bas de l’escalier, personne ne s’opposa plus à