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Alors, Ernauton fit en avant un pas égal au pas de retraite que faisait Sainte-Maline, et l’épée se retrouva menaçante sur la poitrine de ce dernier.

Sainte-Maline pâlit : si Ernauton s’était fendu, il le clouait à la muraille.

Il repoussa lentement son épée au fourreau.

— Vous mériteriez mille morts pour votre insolence, Monsieur, dit Ernauton ; mais le serment dont vous parliez tout à l’heure me lie, et je ne vous toucherai pas davantage ; laissez-moi le chemin libre.

Il fit un pas en arrière pour voir si l’on obéirait.

Et avec un geste suprême, qui eût fait honneur à un roi :

— Au large, Messieurs, dit-il ; venez, Madame, je réponds de tout.

On vit alors apparaître au seuil de la tourelle une femme dont la tête était couverte d’une coiffe, dont le visage était couvert d’un voile, et qui prit toute tremblante le bras d’Ernauton.

Alors le jeune homme remit son épée au fourreau, et comme s’il était sûr de n’avoir plus rien à craindre, il traversa fièrement l’antichambre peuplée de ses compagnons inquiets et curieux à la fois.

Sainte-Maline, dont le fer avait légèrement effleuré la poitrine, avait reculé jusque sur le palier, tout étouffant de l’affront mérité qu’il venait de recevoir devant ses compagnons et devant la dame inconnue.

Il comprit que tout se réunissait contre lui, rieurs et hommes sérieux, si les choses demeuraient entre lui et Ernauton dans l’état où elles étaient ; cette conviction le poussa à une dernière extrémité.

Il tira sa dague au moment où Carmainges passait devant lui.

Avait-il l’intention de frapper Carmainges ? avait-il seulement l’intention de faire ce qu’il fit ? voilà ce qu’il serait impossible d’éclaircir sans avoir lu dans la ténébreuse pen-