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neur de saluer la personne pour laquelle vous désertez notre compagnie.

À cette insistance de Sainte-Maline, le cercle prêt à se rompre se reforma autour de lui.

— Monsieur de Montcrabeau, dit Sainte-Maline avec autorité, descendez et remontez avec une bougie.

— Monsieur de Montcrabeau, s’écria Ernauton, si vous faites cela, souvenez-vous que vous m’offensez personnellement.

Montcrabeau hésita, tant il y avait de menaces dans la voix du jeune homme.

— Bon ! répliqua Sainte-Maline, nous avons notre serment, et M. de Carmainges est si religieux en discipline, qu’il ne voudra pas l’enfreindre : nous ne pouvons tirer l’épée les uns contre les autres ; ainsi, éclairez, Montcrabeau, éclairez.

Montcrabeau descendit, et, cinq minutes après, remonta avec une bougie qu’il voulut remettre à Sainte-Maline.

— Non pas, non pas, dit celui-ci, gardez, je vais peut-être avoir besoin de mes deux mains.

Et Sainte-Maline fit un pas en avant pour pénétrer dans la tourelle.

— Je vous prends à, témoin, tous tant que vous êtes ici dit Ernauton, qu’on m’insulte indignement et qu’on me fait violence sans motifs, et qu’en conséquence (Ernauton tira vivement son épée), et qu’en conséquence j’enfonce cette épée dans la poitrine du premier qui fera un pas en avant.

Sainte-Maline, furieux, voulut mettre aussi l’épée à la main, mais il n’avait pas encore dégainé à moitié, qu’il vit briller sur sa poitrine la pointe de l’épée d’Ernauton.

Or, comme en ce moment il faisait un pas en avant, sans que M. de Carmainges eût besoin de se fendre ou de pousser le bras, Sainte-Maline sentit le froid du fer et recula en délire, comme un taureau blessé.